mercredi 9 février 2011

Le contraire de la mode

"L’orange illuminera notre dressing dès le printemps. Seulement à la sortie de l’hiver, peu d’entre nous osent passer le cap de cette nouvelle tendance. Pour passer à l’orange sans se fashion griller, créateurs et people nous montrent le chemin."


Trouvée à l'instant sur le site de Elle (la phrase, pas la photo, chipée à AA). Le orange, qui suit le kamel, le rose chair, le kaki, les rayures, le gris, le bleu, l'écossais, etc... Un peu naïvement, j'imaginais "la mode" passer naturellement par imprégnation inconsciente des trend setters aux early adopters, puis gagner le main stream.
(Le mainstream, c'est quand il est déjà trop tard, comme cet été où la densité de marinières au m² avait atteint son paroxysme)

Le fait que la presse spécialisée (féminine en tête) ait un discours aussi ouvertement prescripteur ("habillez-vous comme ceci"), et que cela fonctionne m'étonne encore aujourd'hui. Oui, parce que moi par exemple, je n'aime pas tellement acheter ce qu'on me dit d'acheter, être comme on me dit d'être, ni - pour prendre un exemple dans un autre domaine - écouter et apprécier ce qu'on me dit d'écouter et apprécier.

Evidemment, je conçois aisément que suivre ces prescriptions et tendances, c'est signifier à toute personne réceptive: "regarde, je fais l'effort d'être à la mode".

Soyons clairs :

Il n'y a pas grand chose à attendre d'un procès de la mode. La mode existe. On le sait. Elle se fait et se défait, elle se fabrique et se diffuse, elle se consomme. Elle intervient dans la plupart de nos activités quotidiennes.
Tous les phénomènes de mode convergent vers une constatation élémentaire : la mode ne produit ni des objets ni des faits, mais seulement des signes : des points de repère auxquels une collectivité se rattache. La seule question est alors celle-ci : pourquoi a-t-on besoin de ces signes? Ou, si l'on préfère: ne peut-on les chercher ailleurs?

[...]

Le contraire de la mode, ce n'est évidemment pas le démodé; ce ne peut être que le présent : ce qui est là, ce qui est ancré, permanent, résistant, habité : l'objet et son souvenir, l'être et son histoire.

Ca ne sert pas à grand chose d'être ou de vouloir être contre la mode. Tout ce que l'on peut vouloir, peut-être, c'est être à côté, en un lieu où les exclusions imposées par le fait même de la mode (à la mode / démodé) cesseraient d'être pertinentes.

Georges Perec, Penser/Classer (1978)

2 commentaires:

  1. "Tout ce que l'on peut vouloir, peut-être, c'est être à côté, en un lieu où les exclusions imposées par le fait même de la mode (à la mode / démodé) cesseraient d'être pertinentes."

    Être à coté, oui.
    Et encore il ne parle que de la mode vestimentaire! Toute les modes (notamment celle qui dictent le comportement amoureux, psycho, relationnel etc) fonctionnent sur ce triste principe "faire comme tout le monde ou être exclu".

    Et "faire comme tout le monde" n'est pas égal à "être avec d'autre", c'est ça le pire. On est pareil certes mais pas pour autant ensemble, liés.

    A quel prix faire comme tout le monde? Au prix que tu mettra pour ne pas tâter du bas coté, d'où 300 euros la paire de pompe...


    la maturité permet peut être d'être "a coté". La maturité c'est peut etresavoir ce qui est bon pour soi et se foutre du reste, tracer sa route, faire ses trucs tout seul ou pas peut importe. Peut etre c'est accorder plus de place à ce qu'on aime faire et moins à cette course folle de la mode.

    Et au sujet de la mode en musique , du in et du out, je me disais justement cet après midi que tu peux pas dire que machin est con s'il aime Florent Pagny, c'est un peu comme de dire que Trucmuche est débile parcequ'il aime manger du poulet.

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  2. Comme dans beaucoup de domaines, pour moi, le premier pas vers "la maturité" serait déjà d'être lucide sur la réalité des choses (ici, la finalité mercantile de la mode) et d'être critique par rapport à un discours donné.

    Ensuite, chacun s'auto-détermine avec son libre arbitre.

    Si l'on parle musique, il m'apparaît clair que nul ne peut dénier à une personne d'être touchée voire émue par la musique de [Lara Fabian]. S'agissant de [Florent Pagny], l'analogie avec un BigMac me paraît plus appropriée, càd à qqch qui vient facilement à toi (par les grands canaux de distribution / diffusion).

    Rien à objecter si Trucmuche apprécie [Florent Pagny] en connaissance de cause... Mais s'il n'a jamais fait l'effort de savoir ce qui existe par ailleurs, et n'a jamais écouté, je ne sais pas, disons [Tim Buckey], on peut tout de même oser la remarque qu'il a peut-être manqué de curiosité.

    L'oreille, comme le palais, comme le sens critique, s'éduque.

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