mardi 21 juillet 2009

J'écris seulement pour m'entretenir avec vous un peu plus longtemps

Ainsi c'est décidé, vous partez avec monsieur Bykov dans la steppe, vous partez sans retour! Ah, ma petite amie!... Non, vous m'écrirez encore, vous me raconterez encore tout dans une petite lettre, et quand vous serez partie vous m'écrirez de là-bas. Autrement, ce sera notre dernière lettre; or il est absolument impossible que ce soit notre dernière lettre. Comment, tout d'un coup, sans qu'on y puisse rien, la dernière! Non, non, je continuerai à vous écrire et vous ferez de même... Surtout maintenant que mon style se forme... Ah! ma chérie, qu'est-ce que le style? Vous savez, je ne sais même plus ce que j'écris, je ne sais plus rien, je ne me relis même pas, je ne me corrige pas, j'écris seulement pour écrire, pour m'entretenir avec vous un peu plus longtemps.


Les Pauvres Gens, Dostoïevski (1846)

Les Pauvres Gens est le premier roman publié par Dostoïevski, celui qui l'a rendu célèbre. C'est un roman épistolaire, comprenant une succession de lettres échangées entre "un conseiller titulaire, honnête et pur, candide et dévoué à ses chefs, et une jeune fille, offensée et triste". Tous deux sont très pauvres... et sont voisins! Ils ne se rencontrent pourtant que de rares fois, et leur dialogues semblent plus profonds par écrit.

Ce passage intervient à un moment ou Macaire Diévouchkine s'apprête à perdre Varvara Dobrossiélova,
l'unique personne dont il se souciait (d'ailleurs plus que de lui-même), l'unique personne dépositaire de ses pensées et donc de son identité.
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