Je suis un membre de la vieille classe dirigeante, fatalement compromis avec l'Ancien Régime et attaché à lui par les liens de la décence, sinon de l’affection. J’appartiens à une génération malheureuse, à cheval entre deux mondes, et mal-à-l’aise dans l’un et dans l’autre, et de plus je suis absolument sans illusion. Qu’est-ce que le Sénat pourrait faire de moi. […] Nous sommes vieux, très vieux. Depuis plus de 25 siècles nous portons sur nos épaules le poids de superbes civilisations toutes différentes, toutes venues d'ailleurs. Aucune qui soit née de nos cerveaux et de nos mains. […] Nous sommes fatigués, vidés, épuisés.
Le sommeil... un long sommeil, voilà ce que les Siciliens désirent. Ils haïront toujours qui voudra les réveiller. Même pour leur rapporter des présents merveilleux. [...] Chez nous toute manifestation, même violente, est un désir d'anéantissement. Notre sensualité est un désir d’oubli. Nos coups de fusil, nos coups de couteau, un désir de mort. Notre paresse, la saveur sucrée de nos sorbets, une soif de voluptueuse immobilité, c’est-à-dire encore de mort. […] J’ai dit les Siciliens, j’aurais du dire la Sicile. Cette atmosphère, la violence des paysages, la cruauté du climat et chaque pierre prête à brûler. […] Je ne nie pas que certains Siciliens transportés hors de l’île ne puissent réussir à se réveiller. Mais ils doivent s’en aller très jeunes, après 20 ans c’est trop tard. La peau est déjà du cuir.
Le Guépard, Luchino Visconti (1963)
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