jeudi 28 mai 2009

un miracle de beauté, de franchise et de jeunesse

Cette semaine (qui n'est pas encore finie) aura été un vrai marathon concerts. Art Brut, the Pains of Being Pure at Heart, Câlin + Crystal Stilts, Black Lips + Liars, Bell Orchestre, Dan Deacon + Deerhoof.

Mais cette semaine, c'est aussi Roland Garros.
Parlons tennis.
Si, si.


Avant d'envoyer sa balle de service, elle s'arrêtait, se recueillait un moment (une mesure ou deux de temps strié de blanc) et bien souvent, alors, elle faisait rebondir sa balle, ou piaffait un peu, toujours détendue, toujours un peu indécise quant au score, toujours gaie — comme elle l'était si rarement dans la sombre existence qu'elle menait auprès de moi. Son style de tennis était au sommet le plus haut qu'une jeune créature puisse, à ma connaissance, atteindre dans l'art du faux-semblant, quoique cela ne fût sans doute à ses yeux que l'exacte géométrie de la réalité plus simple.

La clarté exquise de tous ses mouvements avait sa contrepartie acoustique dans le claquement sonore et limpide de chacun de ses coups. La balle, pénétrant l'orbite nimbée de son pouvoir, devenait étrangement plus blanche, sa résilience plus riche, et l'instrument de précision que Lo lui opposait semblait démesurément préhensile et presque conscient au moment tenace du contact. En vérité, son style était une imitation parfaite d'un tennis hors ligne — mais sans aucun résultat utilitaire. Comme me le disait un jour Electra Gold (sœur d'Edusa et monitrice exemplaire), tandis que je tressaillais sur mon banc de bois dur en regardant Dolorès Haze se jouer de Linda Hall (et se faire battre par elle) : « Dolly a un aimant dans les cordes de sa raquette, mais bon sang! pourquoi fait-elle tant de politesses? » Ah, Electra, quelle importance, avec une telle grâce! Il me souvient, la toute première fois que je la vis jouer, d'avoir été submergé par un spasme presque douloureux de réplétion esthétique. Ma Lolita, en amorçant l'essor ample et ductile du cycle de son service, avait une façon inimitable de lever son genou gauche légèrement plié et, pendant une seconde, l'on voyait naître et flotter dans le soleil la trame d'équilibre vital que formaient le bout de ce pied pointé, cette aisselle pure, ce bras poli et brun, sa raquette levée haut en arrière — et elle souriait, les dents étincelantes, au petit globe suspendu dans le ciel, au zénith de ce cosmos puissant et délicat qu'elle avait créé à seule fin de l'abattre d'un coup bref et retentissant de son fléau d'or.
Ce service était un miracle de beauté, de franchise et de jeunesse, que soulignait la pureté toute classique de sa trajectoire — et, en dépit de son impétuosité, il était relativement facile de retourner sa balle, dont le long essor élégant était totalement dépourvu d'« effet » et de mordant.
Aujourd'hui, à la pensée que chacun de ses coups, chacun de ses enchantements pourraient être immortalisés sur des bandes de celluloïd, je ne puis retenir des sanglots de frustration. C'eût été tellement mieux que les photographies que j'ai brûlées! Sa volée haute était à son service ce qu'est l'envoi à la ballade; car elle avait appris, ma gentille, à courir aussitôt au filet sur ses petits pieds pétulants et agiles et chaussés de blanc. Il était impossible de choisir entre son coup droit et son revers : ils se reflétaient exactement l'un l'autre — et mes reins résonnent encore de ces détonations que multipliaient des échos crépitants et les exclamations d'Electra. L'une des perles de son jeu était une demi-volée courte que Ned Litam lui avait enseignée en Californie...

Lolita, Vladimir Nabokov (1955)

J'ai fini ce bouquin il y a quelques jours...
Roman intéressant, par l'écriture et pour sa dimension psychologique.

Humbert Humbert pousse en effet assez loin la description et l'analyse rationnelle de sa déviance pathologique ; le mélange des deux intrigue.

Jeu-concours :
Pas facile de trouver sur internet une photo de tennis woman qui ne soit ni totalement banale, ni voyeuse... J'ai donc choisi celle-ci. J'ignore qui est cette joueuse, 3 points à qui saura me renseigner... (après tout, je sais que certains d'entre vous, lecteurs, lisent l'Equipe)

6 commentaires:

  1. Bien que lecteur régulier (de l'équipe comme de ce blog), je dois avouer ne pas reconnaître cette obscure joueuse dont le classement doit être inférieur à 100, mais dont le charme est nettement superieur. Short et grande chaussette, une mode à relancer pour le tennis féminin!

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  2. J'ai l'impression qu'elle restera anonyme, alors...
    N'empêche, c'est vrai que c'est classe, Wimbledon et ces tenues blanches. Quant aux chaussettes, American Apparel fait les mêmes, c'est donc que la mode est là!

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  3. C'est Tatiana Nymportkawa, née en 1985 à Penza en Russie. Si si j'vous jure!
    J'ai gagné quoi???

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  4. Une paire de chaussettes dédicacées !

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  5. Je viens de découvrir ton blog conseillé par célinette.
    et chouette déjà un jeu concours :
    alors la réponse est : Beth Mattek,
    et elle est bien dans les 100 premières joueuses ;-)


    PS: j'ai un peu triché, car le nom est dans le nom du fichier image,

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  6. Btavo Youn's... et bienvenue sur ce blog!

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