samedi 12 janvier 2008

Juste : la pudeur

Une célibataire de trente ans peut être très heureuse, vous m'angoissez, toutes, avec votre sacrot-saint cap des trente ans, je ne vois pas où est le problème. Je vis très bien avec moi-même et les plages de solitude que je connais entre deux liaisons me comblent. Parce que oui, il m'arrive d'avoir des liaisons, parfois même des histoires, excuse-moi du peu, je suis navrée de t'apprendre que tu ne sais pas tout, j'aime bien parfois garder certaines choses pour moi, et ne fais pas cette mine, je vois bien que ton premier mouvement est d'être vexée, je ne t'ai pas tout dit car vois-tu : je revendique le droit de vivre dans un autre monde que celui de Bridget Jones. Tu es mon amie mais je ne te dis pas tout, l'amitié n'a jamais été proportionnelle à la transparence infecte ou, tout du moins, tristement banale qui nourrit les conversations entre copines. Il me semble avoir l'élégance de réserver des mets un peu plus délicats à mes amies, alors non tu ne sais pas tout, et alors? Les amies manquent cruellement d'imagination. Les amies s'entêtent à vouloir plaindre la pauvre et pathétique célibataire, sans imaginer une seconde que ladite nonne a vraisemblablement une vie qu'elle ne daigne pas partager. Alors, découvrant le méfait, les amies se déclarent meutries ou trahies de n'avoir pas été tenues au courant dans les plus brefs délais. Elles finissent par reconnaître qu'elles t'ont crue frigide puis lesbienne. Rien de tout ça, merci au passage pour les lesbiennes, non rien de tout ça, juste : la pudeur. Tu sais, cette chose devenue rare au point de passer pour quasiment subversive. Mais attention : personne n'a dit que tu n'étais pas digne d'être dans la confidence. Juste : la pudeur.


Arnaud Cathrine - La disparition de Richard Taylor (2006)

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