dimanche 20 février 2022

Ça pue la mort

Enchaînant les missions d'interim, Joseph Ponthus quitte crevettes et bulots pour cette fois être affecté aux tâches de nettoyage au sein d'un abattoir. C'est bien sûr une épreuve psychologique (elle deviendra physique lorsqu'il s'agira de pousser des carcasses)

Autant de cuves que de déchets
Des morceaux que je ne parviens pas à identifier
Les mâchoires
Les cornes
Les pieds avant
Les pieds arrière
Parfois des oreilles douces et poilues avec encore l'anneau d'identification de l'animal
D'autres parties du corps dégoulinantes que je préfère ne pas savoir mais qui sont du ruminant
Sans doute les différentes panses
Et les mamelles 

Il faut nettoyer avec vitesse et application l'intérieur de tous les tuyaux dédiés avec le jet puis je passe la mousse qui lave puis je repasse le jet pour rincer 

Les murs
Les sols 

Parfois des déchets qui étaient bloqués dans les tuyaux tombent sous l'effet du jet
C'est alors une avalanche de tous les trucs susmentionnés qui dégringole
Et ça fait des gros shploooourk
Et ça fait des gros splaaaaaaash 

Gaffe à ne pas être sous le tuyau quand des sabots tombent
Les cornes sont comme autant de gros osselets qui s'éparpillent sur le sol de l'usine
Et les mamelles
Les mamelles bordel
Sorte de tout petits ballons de rugby gonflés encore tièdes du corps de l'animal juste tué
Parfois elles éclatent quand elles tombent par terre
Un liquide blanchâtre en sort
Ça pue l'amer la mort la peur de la bête abattue
C'est encore tiède 

La merde je la nettoie aussi dans un atelier dédié
J'imagine qu'au-dessus
C'est ce qu'on appelle « le piège »
Là où les bêtes sont conduites et attendent juste avant d'y passer
Elles ont peur et elles sentent la mort qui approche
Elles chient
C'est normal
Je nettoie
C'est mon taf
Le taf que j'écoutais avec horreur à la pause la semaine dernière 

Trois nuits que je fais ça
La première nuit a été atroce
Mais ça va mieux 

Joseph Ponthus, À la ligne (2019)

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