lundi 18 janvier 2016

La propriété, c'est le vol (2)

Dernier article au sujet de "Résurrection" de Tolstoï... On y suit Nekhlioudov, personnage, en pleine prise de conscience, et révolution intérieure :


Il éprouvait un violent dégoût pour le milieu dans lequel il avait jusqu'alors vécu, pour ce milieu qui cachait si soigneusement toutes les souffrances supportées par des millions d’êtres, à seule fin d'assurer à une minorité bien-être et plaisir, pour ce milieu qui ne voit pas, ne peut pas voir ces souffrances et ainsi la cruauté et le caractère criminel de sa propre vie.

Le roman permet ainsi à Tolstoï d'énoncer tout un tas d'idées à portée sociale, politique et économique [exemple]. Abordée à plusieurs reprises, la question du droit de propriété de la terre, qu'on pourra rapprocher des écrits de Proudhon. L'économiste français n'est cependant pas cité dans le roman, au profit de Herbert Spencer ("Social Statics") et Henry George.
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Quoiqu'il en soit, ce qui importe, c'est que Nekhlioudov - comme moi, à vrai dire - sente qu'il y a une problématique fondamentale liée à la notion de Propriété, qu'il s'agirait de réviser.
Dans le contexte du roman, il ne la discute qu'appliquée à la terre (et aux fruits de son travail).

Maintenant, il lui apparaissait clair comme le jour que la cause principale de cette misère dont le peuple avait conscience et que lui-même avait toujours mise au premier plan se trouvait dans l’aliénation, au bénéfice des propriétaires fonciers, de la terre qui, seule, pouvait le nourrir.

Il est évident que toutes les misères du peuple, ou tout au moins [leur] cause principale et immédiate, réside dans ce que la terre qui nourrit le peuple ne lui appartient pas, mais ce trouve entre les mains de gens qui jouissent de ce droit de propriété, qui vient du travail d’autrui.

La terre, si indispensable au peuple qu’il meurt faute d’en avoir, est toutefois cultivée par ces gens réduits à l’extrême besoin, pour que le blé qu’elle produit soit vendu à l’étranger et que les propriétaires fonciers puissent s’acheter des cannes, des calèches, des bronzes...

Dans les sociétés savantes, dans les administrations, dans les journaux, nous dissertons sur les causes du paupérisme et sur les moyens d’améliorer le sort du peuple, mais nous laissons de côté l'unique moyen qui pourrait y remédier et qui consisterait à cesser de le priver de cette terre qui lui est indispensable. Il se rappelait nettement les principes fondamentaux de Henry George et l'enthousiasme qu’ils avaient suscité en lui ; il s’étonna d’avoir pu les oublier.

La terre ne saurait être l’objet d’une propriété privée, elle ne saurait être l'objet de vente et d'achat, pas plus que l’eau, l’air ou les rayons du soleil. Tous les hommes ont un droit égal sur la terre et sur tous les biens qu’elle produit.

Peu après, Nekhlioudov se démettra sur ses terres cultivables de son droit de propriétaire foncier. Il instaurera un loyer auquel seront soumis les paysans qui travailleront la terre. Ce loyer bénéficiera entièrement à la communauté, afin qu'elle puisse couvrir ses dépenses.

Ce dispositif soulève tout de même en moi quelques interrogations pratiques... sans réponse, d'autant que l'histoire ne raconte pas comment s'en sont tirés les paysans.
Je poursuis donc ma quête du système idéal qui mettra à mal le Capital. 

Tolstoï, Résurrection (1899)

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