jeudi 30 avril 2015

Ton image pour toujours


Lydia sort de son sac une lettre, la déplie, puis la lit à voix haute :
« Ce matin-là, à mon réveil, tu dormais encore. Emergeant peu à peu du sommeil, j'ai senti ton souffle et à travers tes cheveux qui te cachaient le visage, j'ai vu tes yeux clos et j'ai eu la gorge serrée. J’avais envie de crier, de te réveiller, mais ton sommeil semblait trop profond, mortel. Dans la pénombre tes bras et ta gorge brillaient. Ta peau était tiède et douce. Je voulais y poser les lèvres, mais l'idée de troubler ton repos et de t’avoir dans mes bras, éveillée, m’en empêchait. Je préférais t’avoir ainsi, comme un objet qu’on ne pouvait me prendre, que moi seul possédais. Ton image pour toujours. Par-delà ton visage, je voyais quelque chose de plus pur, de plus profond, où je me reflétais. Je voyais en toi une dimension qui incluait la vie entière, les années à venir, et celles avant de te rencontrer, pourtant déjà tendues vers toi. C'était le petit miracle d'un réveil : sentir pour la première fois que tu étais avec moi, pas seulement en ce moment précis, et que la nuit se prolongeait à tes côtés, dans la chaleur de ton sang, de tes pensées, de ta volonté qui se confondait avec la mienne. A cet instant, je compris combien je t'aimais, Lydia. Ce fut une sensation si intense que j'en avais les larmes aux yeux. Je pensais que cela ne devait jamais se terminer, que toute notre vie serait pareille à ce réveil. Te sentir non pas à moi, mais faisant partie de moi. Chose respirant avec moi que rien ne pourrait détruire, sinon la trouble indifférence de l’habitude, seule menace possible selon moi. Et puis, tu t’es réveillée, souriant encore dans le sommeil. Tu m’as embrassé. J’ai senti que je n’avais rien à craindre, que nous serions toujours ainsi, unis par quelque chose de plus fort que le temps et l’habitude. »

Michelangelo Antonioni, La nuit (1961)

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Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas sûr sûr que la traduction française restitue bien le contenu de cette lettre. La voici en version originale (à destination de mes lecteurs et lectrices italophones, dont les avis et remarques sont naturellement bienvenues) 

"Stamane tu dormivi ancora quando mi sono svegliato. A poco a poco uscendo dal sonno, ho sentito il tuo respiro leggero e attraverso i capelli che ti nascondevano il viso ho visto i tuoi occhi chiusi. Ho sentito la commozione che mi saliva dalla gola e avevo voglia di gridare e svegliarti perché la tua stanchezza era troppo profonda e mortale. Nella penombra la pelle della tue braccia e della tua gola era viva e io la sentivo tiepida e asciutta: volevo passarvi sopra le labbra ma il pensiero di poter turbare il tuo sonno e di averti ancora sveglia fra le mia braccia mi tratteneva. Preferivo averti così come una cosa che nessuno poteva togliermi perché ero il solo a possederla, una tua immagine per sempre. Oltre il tuo volto vedevo qualcosa di più puro, di più profondo in cui mi specchiavo: vedevo te in una dimensione che comprendeva tutto il mio tempo da vivere, tutti gli anni futuri e tutti quelli che ho vissuto prima di conoscerti, ma già preparato a incontrarti. Questo era il piccolo miracolo di un risveglio: sentire per la prima volta che mi appartenevi non solo in quel momento e che la notte si prolungava per sempre accanto a te, nel caldo del tuo sangue, dei tuoi pensieri, della tua volontà che si confondeva con la mai. Per un attimo ho capito quanto ti amavo, Lidia; è stata una sensazione così intensa che ne ho avuto gli occhi pieni di lacrime: era perché pensavo che questo non dovrebbe mai finire, che tutta la nostra vita doveva essere come il risveglio di stamane. Sentirti non mia, ma addirittura parte di me, una cosa che respira e che niente potrà distruggere se non la torbida indifferenza di un'abitudine, che vedo come l'unica minaccia. E poi ti sei svegliata e sorridendo ancora nel sonno mi hai baciato e ho sentito che non dovevo temere niente, che noi saremo sempre come in quel momento: uniti da qualcosa che è più forte del tempo e dell'abitudine."

jeudi 23 avril 2015

Anéanti(e)


Michelangelo Antonioni, La nuit (1961)

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Si vous habitez Paris et que vous avez des lacunes en Antonioni, c'est le moment de les combler : Expo + Cycle Antonioni à la cinémathèque (et comme toujours, quelques cinémas du quartier latin en profitent pour adapter leur programmation)

mardi 21 avril 2015

the Sounds of Earth [Crossed Covers]

Si je me livre parfois sur ce blog à l'exercice de la mise en parallèle/résonance de pochettes d'albums, il est rare que je tombe sur des visuels strictement identiques.

C'aura pourtant été récemment le cas, avec deux albums parus ces jours-ci, qui m'ont immédiatement renvoyé au Dear John de Loney Dear


Mini Mansions, The Great Pretenders (Capitol, 2015)
D.I.M, 299 792 458 (MondoTunes, 2015)
Loney Dear, Dear John (Parlophone, 2009)

Mais qu'est-ce donc que ce "disque" (au sens géométrique)?
Il s'agit bien d'un enregistrement, le "Voyager Golden Record", embarqué à bord des deux sondes spatiales Voyager lancées en 1977. Il est à destination d'éventuels extra-terrestres.
Son couvercle donne des instructions sur la position de la planète Terre et sur la manière de décoder son contenu. On peut y entendre divers sons jugés représentatif de notre monde (bruits divers, échantillon de différentes langues et morceaux de musiques)

Plus d'infos :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Voyager_Golden_Record
http://goldenrecord.org/

Dans un même esprit, quelques années auparavant (1972-1973), deux sondes spatiales embarquaient quant à elle la "plaque de Pioneer" 

dimanche 12 avril 2015

A poil !

Petite leçon de conjugaison, avec Raymond Queneau, dans Zazie dans le métro...

Il parut inquiet.
– Je me vêts, répéta-t-il douloureusement. C'est français ça : je me vêts ? Je m'en vais, oui, mais :
je me vêts ? Qu’est-ce que vous en pensez, ma toute belle ?
– Eh bien, allez-vous-en.
– Ça n’est pas du tout dans mes intentions. Donc, lorsque je me vêts…
– Déguise…
– Mais non ! pas du tout ! ! ce n'est pas un déguisement ! ! ! qu'est-ce qui vous a dit que je n'étais
pas un véritable flic ?
Marceline haussa les épaules.
– Eh bien vêtez-vous.
– Vêtissez-vous, ma toute belle. On dit : vêtissez-vous.
Marceline s’esclaffa.
– Vêtissez-vous ! vêtissez-vous ! Mais vous êtes nul. On dit : vêtez-vous.
– Vous ne me ferez jamais croire ça.
Il avait l'air vexé.
– Regardez dans le dictionnaire.
– Un dictionnaire ? mais j’en ai pas sur moi de dictionnaire. Ni même à la maison. Si vous croyez
que j'ai le temps de lire. Avec toutes mes occupations.
– Y en a un là-bas (geste).
– Fichtre, dit-il impressionné. C'est que vous êtes en plus une intellectuelle.
Mais il bougeait pas.
– Vous voulez que j'aille le chercher ? demanda doucement Marceline.
– Non, j'y vêts.
L'air méfiant, il alla prendre le livre sur une étagère en s’efforçant de ne pas perdre de vue Marceline. Puis, revenu avec le bouquin, il se mit à le consulter péniblement et s’absorba complètement dans ce travail.
– Voyons voir… vésubie… vésuve… vetter… véturie, mère de Coriolan… ça y est pas.
– C’est avant les feuilles roses qu’il faut regarder.
– Et qu’est-ce qu’il y a dans les feuilles rosés ? des cochonneries, je parie… j’avais pas tort, c’est en latin… «fèr’ ghiss ma-inn nich’t’, veritas odium ponit, victis honos…», ça y est pas non plus.
– Je vous ai dit : avant les feuilles roses.
– Merde, c'est d’un compliqué… Ah ! enfin, des mots que tout le monde connaît… vestalat… vésulien… vétilleux…euse… ça y est ! Le voilà ! Et en haut d’une page encore. Vêtir. Y a même un accent circonchose. Oui : vêtir. Je vêts… là, vous voyez si je m'esprimais bien tout à l’heure. Tu vêts, il vêt, nous vêtons, vous vêtez… vous vêtez… c’est pourtant vrai… vous vêtez… marant… positivement marant… Tiens… Et dévêtir ?… regardons dévêtir… voyons voir… déversement… déversoir… dévêtir… Le vlà. Dévêtir vé té se conje comme vêtir. On dit donc dévêtez-vous. Eh bien, hurla-t-il brusquement, eh bien, ma toute belle, dévêtez-vous ! Et en vitesse ! A poil ! à poil !

Raymond Queneau, Zazie dans le métro (1959)

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Ce sera le dernier extrait de ce livre, ici. Bien que grand fan de Queneau, je ne l'avais encore jamais lu ! Au final, c'est loin d'être mon préféré, je trouve qu'il repose trop sur les dialogues et la gouaille de ses protagonistes. La dénouement (inattendu) m'a tout de même fait réévaluer mon jugement à la hausse.

vendredi 10 avril 2015

Il ne faut pas confondre

Pain Noir, le nouveau projet du Clermontois François-Régis Croisier (ex- St Augustine)...

Petite Noir (sic), signé sur Domino, ...

Rivière noire, trio franco-brésilien qui a remporté la victoire de la musique 2015 du meilleur album world, ...

... et Soul Noir, jeune trio parisien

Liens :

Faut-il ajouter le songwriter mancunéen Jim Noir à cette liste ?

ou Noir Boy George (entendu chez La Souterraine), comme suggéré par un lecteur ?
[lien]

lundi 6 avril 2015

Va te faire foutre

Quelques plans remarquables issus de "Domicile Conjugal".


Domicile conjugal, François Truffaut (1970)

vendredi 3 avril 2015

Trouble will find me [Crossed Covers]



Beacon, the Way We Separate (Ghostly, 2013)
the National, Trouble will find me (4AD, 2013)
Jlin Dark, Energy (Planet Mu, 2015)
Garden City Movement, Modern West EP(The Vinyl Factory, 2015)

jeudi 2 avril 2015

New Moon [Crossed Covers]

Crossed Covers, c'est cette rubrique un peu délaissée d'Arise Therefore, qui relie des pochettes d'albums les unes aux autres.
Il faut croire que la combinaison des deux couleurs de la couverture du dernier album de Notwist m'est durablement restée en tête, tant j'ai eu l'impression de la retrouver dans d'autres visuels.


Ca, c'est la pochette d'un album de the Men,
belle comme un siège de RER A...

J'ajoute encore ces visuels, récemment vus dans le métro ou dans ma boîte e-mail.


the Notwist, Close to the glass (Cityslang, 2014)
the Men, New Moon (Sacred Bones, 2013)
Gentle Republic, Triangular (2015)