vendredi 30 janvier 2015

L'agréable étain d'une correctionnalisation de subterfuges

[...] Il y aura toujours un major pour légiférer entre replâtrage et cliquetis : le génois de la semelle en perpétuel trémoussement.
Evidemment, notre complaisance à chacun pour ce typhus de légation et d'écroulement, va petit à petit s'accroître et l'on peut très bien entrevoir (pour peu qu'on se cite sans rien changer) le certes agréable étain d'une correctionnalisation de subterfuges, mais qui nous fera courir, me semble-t-il une périodicité d'épuration.

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Connaissez-vous le S+n ? Cette contrainte littéraire aboutissant au remplacement de chaque nom commun par le n-ième nom commun suivant le mot d'origine dans un dictionnaire donné. Ici, l'extrait d'une correspondance en S+7 entre Harry Marhews et Jacques Jouet...
...dans le cadre de l'Oulipo, forcément.

Le S+7 est l'une des nombreuses contraintes que pouvaient s'imposer les membres de ce mouvement.
D'autres (le "texte à démarreur", les "exercices de style") sont à découvrir dans le cadre de l'exposition précédemment évoquée :

Vous verrez y également d'impressionnantes matrices préparatoires de roman.
(un peu dans le même goût que la polygraphie du cavalier utilisée par Perec dans "La Vie Mode d'emploi" : 

L'exposition introduit et illustre également certains mouvements ayant repris l'esprit de l'Oulipo tout en le transposant à une autre discipline : l'Oumupo (Ouvroir de musique potentielle), l'Oubapo (ouvroir de bandes dessinées potentielles), l'Oupeinpo (ouvroir de peinture potentielle) ou encore l'excellemment nommé Oulipopo (ouvroir de littérature policière potentielle)

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Réunion de l’Oulipo, le mardi 23 septembre 1975,
dans le jardin de François Le Lionnais
avec Georges Perec, Raymond Queneau… © BnF, Arsenal.

mardi 27 janvier 2015

Le temps assassin


Même si on y tient vraiment
Même dans les flammes du firmament
Seuls dans le soleil couchant
On ne s'y fait jamais pour autant

On ne dit rien quand le temps assassin
Enterre nos amours périssables sous le sable mouvant

Je n'y ai vu que du feu, du vent
Telle qu'en moi-même et telle qu'avant
J'ai raté ma vie en deux temps
Trop occupée à faire d'autres plans

On ne dit rien quand le temps assassin
Enterre nos amours périssables sous le sable mouvant

Même si on y tient vraiment
Restons de glace restons élégants
Seuls dans le soleil couchant
On ne s'y fait jamais pour autant

On ne dit rien quand le temps assassin
Enterre nos amours périssables sous le sable

On ne dit rien quand le temps assassin
Enterre nos amours périssables sous le sable mouvant

Keren Ann, Les sables mouvants
La disparition (EMI, 2002)

Mais que devient Keren Ann ?
http://www.pledgemusic.com/projects/keren-ann

vendredi 23 janvier 2015

(Wave) Pictures

Le 27 juin 2003, à Mains d'Oeuvre, se déroulait la soirée de clôture du festival Mo#Fo, alors très orienté "antifolk". S'y produisaient Wilfried*, Herman Düne, Kimya Dawson, the Mountain Goats et les Wave Pictures . Une édition à ce point marquante que j'en reparlais dans ces colonnes en 2008.

Vendredi dernier, au Point FMR, l'affiche avait un petit goût de revival.
Si Darren Hayman (Hefner) et les Wave Pictures ont été les premiers noms annoncés pour cette date, le plateau s'est rapidement complété par Wilfried* et Freschard feat. Stanley Brinks.
André Herman Düne est si rare en France que c'était là une excellent nouvelle (d'autant qu'il a sorti l'an passé un album avec les Wave Pictures).

J'ai pris quelques photos !

Tout d'abord Wilfried* qui, en plus de jouer le DJ, a ouvert la soirée avec 3-4 titres acoustiques solo, d'abord extraits de son répertoire passé, puis de son dernier album.
L'occasion pour lui de réaliser en temps réel que les morceaux de sa Matrice passent moins bien en live solo acoustique que dans le dispositif scénique d'origine.

C'est ensuite que la soirée a pris le visage qu'à mon sens elle n'aurait jamais dû quitter, à savoir celui d'un concert collaboratif. Freschard fut en effet secondée par Stanley Brinks et les Wave Pictures, soit un backing band de choix, avec deux guitaristes se complétant avec talent.

Freschard et Dave [Wave Pictures]
Freschard et Stanley Brinks

Tout ce beau monde aura même été rejoint le temps d'un morceau par Wilfried* et Howard Hugues  [Coming Soon] en invité surprise (ce garçon a décidément d'excellentes fréquentations, cf. l'interview que je publiais de lui, au sujet de David Berman / Silver Jews)

A mon regret, les Wave Pictures n'auront pas été le fil rouge de la soirée, et malgré des albums réalisés avec Stanley Brinks d'une part, et Darren Hayman d'autre part, ils ne seront remontés sur scène que pour leur propre concert.


C'est donc seul que l'ex-Hefner se présente à son public.
Avouons-le, on aura craint d'être confronté à un chanteur en perte de vitesse et manque d'inspiration, mais rapidement, l'Anglais nous rassure, et conquière le public. 
Son humour et son charisme y furent pour beaucoup.


Les Wave Pictures, enfin, avec toujours plus de maîtrise (et de solos de guitare), peut-être, parfois, au détriment de la fraîcheur des débuts
La batteur Jonny Helm, au chant (rôle usuellement dévolu à David Tattersale) 

mercredi 21 janvier 2015

Métaphysique de la Marche

Reinhold Messner, toujours dans Gasherbrum d'Herzog, et toujours traduit par mes soins (lire aussi Esthétique de l'Alpinisme) :



Aujourd'hui, je souhaite arrêter de grimper. Aujourd'hui, je m'imagine bien... ou même je me souhaite, pour des décennies, voire pour toujours, de ne faire qu'avancer, aller vers l'avant... d'une plaine de l'Himalaya à une suivante, à travers déserts ou forêts. Sans arriver à un endroit précis, sans but, sans regarder derrière soi, ni loin devant. Marcher, jusqu'à ce que le monde se termine... ou que l'horizon disparaisse. [...] Ce sera peut-être ma vie qui arrivera à sa fin. Avec ma vie, le monde se terminera.

Werner Herzog, Gasherbrum - Der leuchtende Berg (1985)

mardi 20 janvier 2015

Esthétique de l'Alpinisme

"Les Ascensions" est la somme de deux documentaires de Werner Herzog, ressortis en salle en décembre dernier. Le premier a été tourné en 1976 et nous emmène en Guadeloupe, à Basse-Terre, ville désertée, évacuée en raison de l'éruption imminente de La Souffrière. Le second - "Gasherbrum, la montagne lumineuse" - se déroule en 1984 et dans un tout autre décor, puisqu'on y parle alpinisme dans la chaîne de l'Himalaya. Reinhold Messner et Hans Kammerlander s'apprêtent à tenter l'exploit alors inédit d'enchaîner l'ascension de deux "8000" d'affilée (càd sans revenir au camp de base).

Dans ce film, c'est moins la performance qui intéresse le réalisateur que les raisons qui peuvent pousser des hommes à se confronter à de telles difficultés. Le film pourrait d'ailleurs tout à fait être sous-titré "Métaphysique et Esthétique de l'alpinisme".

S'il recèle des séquences visuellement marquantes (le récit d'une disparition ; le plan hallucinant et interminable illustrant la distance restant aux deux hommes à parcourir avant d'atteindre leur premier sommet), il contient également de belles réflexions, formulées par un Reinhold Messner des plus charismatiques.


[En grimpant], j'ai le sentiment de dessiner sur ces grandes parois (hautes de trois à quatre mille mètres), comme le fait une institutrice lorsqu'elle trace des lignes avec une craie sur le tableau noir. Ces lignes ne sont pas qu'une vue de l'esprit, je les vis. J'ai aussi le sentiment qu'elles sont durables. Même si je suis le seul à les voir, à les sentir [...] et qu'elles sont invisibles aux yeux des autres, elles sont pourtant là, et demeureront pour toujours.

[traduit de l'allemand par mes soins, hum]

Werner Herzog, Gasherbrum - Der leuchtende Berg (1985)

jeudi 15 janvier 2015

L'honnêteté?

L'honnêteté? Peuh! L'honnête homme est un fou.

Tchekhov, Platonov (1880)


Abel Morales, un autre "fou" (à cet égard),
dans "A Most Violent Year" (actuellement à l'affiche)
A Most Violent Year, JC Chandor (2014)

mercredi 14 janvier 2015

We must bring our own light to the darkness

"Personne ne le fera pour nous" est le titre d'un morceau de Mendelson.
C'est aussi le nom qu'il a donné à son quatrième album.
 Enfin c'est un extrait d'un poème de Bukowski, que Mendelson a lui, lundi soir, à la maison de la poésie (version originale plus bas).



Il faut apporter
sa lumière
dans les
ténèbres.

personne ne le
fera
pour nous.

comme les jeunes garçons
descendent
les pentes
à skis

comme le cuisinier
reçoit sa dernière
paye

comme le chien pourchasse
le chien

comme le grand maître aux échecs
perd plus que
la partie

il faut apporter
sa lumière
dans les
ténèbres.

personne ne le
fera
pour nous,

comme le solitaire
téléphone à
n'importe qui
n'importe où

comme la grande bête
tremble
dans ses cauchemars

comme la dernière saison
arrive en vue

personne ne le
fera
pour nous.

Charles Bukowski, Il faut / We Must
Le ragoût du septuagénaire / Septuagenarian stew: stories and poems
(1983-1990)



Mendelson se produira à nouveau à la Maison de la Poésie, les lundis 19 et 26 Janvier.
Il y lira un ou deux poèmes, jouera des morceaux anciens, des morceaux nouveaux, des reprises (Yes, j'ai reconnu Bruce Springsteen!), et livrera de nombreux traits d'esprits, toujours en mode pince sans rire.


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we must bring our own light
to the
darkness.

nobody is going
to do it
for us.

as the young boys
ski
down the
slopes

as the fry cook
gets his last
paycheck

as dog chases
dog

as the chessmaster
loses more than
the game

we must bring
our own light
to the
darkness.

nobody is going
to do it
for us,

as the lonely
telephone
anybody
anywhere

as the great beast
trembles
in nightmare

as the final season
leaps into
focus

nobody is going
to do it
for us.

lundi 12 janvier 2015

Si l'Oulipo n’existait pas

Une "autre" illustration de l' "esprit français" : l'oulipo (Ouvroir de Littérature Potentielle), mouvement littéraire fondé en 1960 par François Le Lionnais et Raymond Queneau - et toujours actifIl fait l'objet d'une exposition jusqu'au 15 février à la Bibliothèque de l'Arsenal

On peut se demander ce qui arriverait si l'Oulipo n’existait pas ou s'il disparaissait subitement. À court terme on pourrait le regretter. À terme plus long, tout rentrerait dans l’ordre, l’humanité finissant par trouver, en tâtonnant, ce que l'Oulipo s'efforce de promouvoir consciemment. Il en résulterait cependant dans le destin de la civilisation un certain retard que nous estimons de notre devoir d’atténuer.

François Le Lionnais, Le Second Manifeste (1973)


mercredi 7 janvier 2015

Movie Posters of the Year (2014)

C'est la première semaine de rentrée, je me dis qu'il est encore temps de revenir sur 2014, cette fois, au travers d'une sélection d'affiches de films (vous n'êtes pas sans savoir que je publie parfois des articles intitulés Movie Poster of the Week)

De toute évidence, mes goûts vont d'avantage vers des affiches "graphiques" et/ou avec une touche vintage.

lundi 5 janvier 2015

Booooring [MRW]

Confinés un temps aux milieux geeks et aux obscurs forums de l'internet, les reaction gifs sont maintenant passés dans la culture populaire, à tel point que Canal ou Netflix y ont eu recours dans le cadre de récentes campagnes publicitaires (Source: moi, sur les écrans de publicité disposés dans les couloirs du métro parisien, au moment du lancement de Netflix).

Je me plais parfois à imaginer que, pour exprimer un sentiment ou un état d'esprit, il devienne commun de citer par analogie un passage de roman (aux dépens d'une certaine immédiateté, j'en conviens).

Je poursuis donc mes articles consacrés au Procès de Kafka, par ce passage dans lequel K. subit une conversation des plus ennuyeuses.

K. avait bien suivi au début le discours de l’industriel ; l’importance de l’affaire lui était bien apparue et l’idée avait bien absorbé son attention, mais hélas ! pour fort peu de temps ; il n’avait pas tardé à cesser d’écouter pour opiner simplement du bonnet à chaque exclamation de l’autre, puis il n’avait même plus fait ce geste et s’était borné à regarder le tête chauve qui se penchait sur les papiers ; il se demandait à quel moment cet homme finirait par s’apercevoir qu’il parlait dans le désert. Aussi, quand l’autre se tut, K. crut-il réellement qu’il ne le faisait que pour lui permettre de reconnaître qu’il était incapable d’écouter. Mais il remarqua, avec regret, au regard attentif de l’industriel – visiblement prêt à toutes les réponses – qu’il fallait continuer l’entretien. Il inclina donc la tête comme s’il avait reçu un ordre et se mit à promener lentement son crayon sur les papiers en s’arrêtant de temps à autre pour pointer un chiffre quelconque. L’industriel pressentait des objections ; peut-être ses chiffres n’étaient-ils pas exacts, peut-être n’étaient-ils pas probants, en tout cas il recouvrit les papiers de la main et reprit un exposé général de l’affaire en s’approchant tout près de K.

« C’est difficile », dit K. en faisant la moue.

N’ayant plus rien où se raccrocher du moment que les papiers étaient cachés maintenant, il se laissa tomber sans forces contre le bras de son fauteuil.

Franz Kafka, Le procès (1925)

samedi 3 janvier 2015

Postcards from Pripyat, Chernobyl

La fusion du cœur d'un réacteur nucléaire survient lorsque les crayons de combustible nucléaire, qui contiennent l'uranium ou le plutonium ainsi que des produits de fission hautement radioactifs, commencent à surchauffer puis à fondre à l'intérieur du réacteur. C'est ce qui s'est produit le 11 mars 2011 sur les réacteurs 1, 2 et 3 de Fukushima. Mais aussi le 26 avril 1986 à 1h23 à la centrale nucléaire de Tchernobyl, provoquant l'explosion du réacteur 4, et le rejet , dans l'atmosphère, de l'équivalent radioactif de 400 fois la bombe d'Hiroshima.

Pripyat est la ville ouvrière attenante bâtie pour héberger les travailleurs... Elle est donc dans "la zone", cet espace inhabité de 30km autour de la centrale [Carte]

Danny Cook, en marge d'un reportage pour CBS, a ramené les images suivantes de la ville fantôme...


La vidéo complète :


D'autres villes fantômes, déjà évoquées ici,
Detroit :
Kangbashi :

jeudi 1 janvier 2015

Can we walk in hope into another new year ?


Can we walk in hope
Into another new year
Just to cast away the ghosts
Or to have the time again ?
You said hold on to dreams
But I know you don't try
Cos you're innocent,
I know that you won't survive

I heard the phone ring
So late at night that 
I thought someone had died.
But your voice was full of hope
Like it was on better days,
On clear mornings
When the rain had left the sky

I can't stand the thought of you alone

Don't try to get close to us
Because there's nothing
but our souls laid bare.
Will we survive? I know we will


Hood, You Show No Emotion At All
Cold House (Domino, 2001)
[clip]