dimanche 30 septembre 2012

Je dois continuer à jouer

Le grand retour de la vidéo du Dimanche soir : "L'accordeur", césar 2012 du meilleur court-métrage, feat. Grégoire Leprince-Ringuet (beaucoup vu chez Christophe Honoré)


 A visionner en suivant ce lien...

L'accordeur, Olivier Treiner (2010)

vendredi 28 septembre 2012

Je ne vois nulle part la douce humanité

Est-il possible qu'on conçoive l'inconséquence humaine ; croirait-on que l'homme se soit mis en société pour être heureux et raisonnable? Non, l'on croirait plutôt que, las du repos et de la sagesse de la nature, il voulait être misérable et insensé. Je ne vois que des constitutions pétries d'or, d'orgueil et de sang, et je ne vois nulle part la douce humanité, l'équitable modération qui devaient être la base du traité social.


Jean-Pierre Léaud, en Saint-Just, dans
Week-End, Jean-Luc Godard (1967)

Saint-Justl'Esprit de la Révolution et de la Constitution de France
(1791)

mercredi 26 septembre 2012

Small Changes We Hardly Notice

Ils se font rares, les articles de la série "Crossed Covers". J'espère que vous serez d'autant plus réactifs.

On commence par l'album To the 5 Boroughs (2004) des Beastie Boys, histoire de saluer la mémoire d'Adam Yaunch, décédé en mai de cette année...
Une skyline qui s'étend à mesure que l'on déplie le digipack :



Elle est l'oeuvre de l'artiste Matteo Pericoli, habitué à ce genre de dessins :

Visiblement, le visuel des Beastie Boys a bien plu au berlinois Oliver Koletzki
Dans un registre similaire...

Pour refermer cet article, et en attendant vos propositions, je ne pouvais pas ne pas mettre le fameux Yankee Hotel Foxtrot de Wilco (avec une photographie des immeubles de Marina City, à Chicago) [street view]



the Beastie Boys, to the 5 boroughs (Capitol, 2004)
Oliver Koletzki, Großstadtmärchen 2 (Stil Vor Talent, 2012)
R.E.M., Accelerate (WEA, 2008)
the Keys, Long Time No Sea (Another Record, 2011)
Youth Pictures of Florence Henderson, Small Changes We Hardly Notice
(Count Your Lucky Stars, 2012)
Wilco, Yankee Hotel Foxtrot (Nonesuch, 2002)

J'ajoute les pochettes suggérées en commentaire par "Matthieu":
Do Make Say Think, the other truths (Constellation, 2009)
Broken Social Scene, s/t (Arts & Crafts, 2005)

samedi 22 septembre 2012

Une fabrication ininterrompue de pseudo besoins

La victoire de l'économie autonome doit être en même temps sa perte. Les forces qu'elle a déchaînées suppriment la nécessité économique qui a été la base immuable des sociétés anciennes. Quand elle la remplace par la nécessité du développement économique infini, elle ne peut que remplacer la satisfaction des premiers besoins humains sommairement reconnus, par une fabrication ininterrompue de pseudo besoins qui se ramènent au seul pseudo besoin du maintien de son règne. Mais l’économie autonome se sépare à jamais du besoin profond dans la mesure même où elle sort de l’inconscient social qui dépendait d’elle sans le savoir. « Tout ce qui est conscient s’use. Ce qui est inconscient reste inaltérable. Mais une fois délivré, ne tombe-t-il pas en ruine à son tour ? » (Freud.)

Guy Debord, la Société du Spectacle (1967)

mardi 18 septembre 2012

Choose your own adventure


S'il y a une chose à laquelle on ne peut échapper, en Septembre, c'est bien les éditos décrétant que c'est la rentrée. Eternel marronnier, qui veut qu'une fois l'an (et rien qu'une), dans un souci d'empathie, il est admis que le travail, ça plombe un peu finalement, au regard des vacances tout juste écoulées.

S'en suit généralement une évocation de ce paradis perdu, renvoyant de préférence au farniente, au soleil, à la mer... C'est donc le moment idéal pour glisser l'image qui aura été placée en tête du présent blog durant tout le mois d'août, et que vous ne reverrez pas de sitôt :

Ceux qui auront reconnu la pochette de l'album Rule of thirds, par Azure Blue sont très très forts (limite "trop", puisqu'il n'y a pas tellement de raisons de connaître/retenir l'existence de ce disque)

Là où cet édito diffère des autres, c'est qu'il survient à peine tard. Ca fait belle lurette (le 27/08) que "A Nous Paris", le gratuit des urbains consommateurs a lancé l'offensive... et à peine moins que je pense de nouveau reconnaître l'intro de Kids chaque Samedi matin (j'habite près d'une école).


Bon, mais si on prend Radio Campus Paris, par exemple, la rentrée ne se fera que la première semaine d'octobre. L'occasion rêvée pour vous dire ce qui se profile.

*
*    *

TOP TAPE, la mixtape indie pop multifacette, rempile pour une saison, toujours une fois par mois, toujours le dimanche, mais à 21h. Première mixtape, Dimanche 7 octobre. Les suivantes tombent donc les premiers dimanches du mois : facile. Sur le 93.9FM en direct, ou bien  pour la balado-diffusion (ou un bête player).

Pour ce premier volume de la Saison 5, je vous ferai gagner des albums de the Pharmacy. The Pharmacy, c'est un groupe qui vient de Seattle, avec un son lo-fi / psyche / pop / fou-fou, que j'avais beaucoup apprécié courant 2008. La bonne nouvelle, c'est que le groupe se produira le Vendredi 19 octobre à l'International pour la soirée de Rentrée de Radio Campus Paris !

(Quand je vois ce clip, je me dis qu'il y a un peu de the Unicorns en eux)

Autrement, et pour finir de parler radio, notez que la sélection des albums du moment de Radio Campus Paris, en plus d'être à l'antenne, se retrouve via des playlists Spotify et Deezer, prêtes à emporter: http://www.radiocampusparis.org/newsletteractu/playlist/
[Les albums du moment, avant sélection]

Quand j'ai commencé cet article, j'ambitionnais de vous parler également de ce qui vous attend sur Arise Therefore, mais... ce sera pour un prochain message de service. 

the Pharmacy - WAYDWYL
Weekend (Seayou, 2010)

jeudi 13 septembre 2012

Le reniement achevé de l’homme

Alors que dans la phase primitive de l’accumulation capitaliste «l’économie politique ne voit dans le prolétaire que l’ouvrier», qui doit recevoir le minimum indispensable pour la conservation de sa force de travail, sans jamais le considérer « dans ses loisirs, dans son humanité », cette position des idées de la classe dominante se renverse aussitôt que le degré d’abondance atteint dans la production des marchandises exige un surplus de collaboration de l’ouvrier. Cet ouvrier soudain lavé du mépris total qui lui est clairement signifié par toutes les modalités d’organisation et surveillance de la production, se retrouve chaque jour en dehors de celle-ci apparemment traité comme une grande personne, avec une politesse empressée, sous le déguisement du consommateur. Alors, l’humanisme de la marchandise prend en charge « les loisirs et l’humanité » du travailleur, tout simplement parce que l’économie politique peut et doit maintenant dominer ces sphères en tant qu’économie politique. Ainsi « le reniement achevé de l’homme » a pris en charge la totalité de l’existence humaine.

Guy Debord, la Société du Spectacle (1967)

mardi 11 septembre 2012

Une grande joie

Que tout cela me paraît irréel en votre compagnie. Tout est devenu soudain indifférent. Je me souviendrai de cette heure de calme, des fraises, du bol de lait et de vos visages au crépuscule. Mickaël endormi, Jof et sa cythare. Je veux me souvenir de nos paroles et garder ce souvenir entre mes mains avec soin comme si c'était un bol rempli de lait frais. Cela me sera un signe, et une grande joie.

Ingmar Bergman, le septième sceau (1957)

jeudi 6 septembre 2012

A circle of pain, a circle of suffering

As the night wind blows, the boughs move to and fro.
The rustling, the magic rustling that brings on the dark dream.
The dream of suffering and pain.
Pain for the victim, pain for the inflicter of pain.
A circle of pain, a circle of suffering.
Woe to the ones who behold the pale horse.

Twin Peaks (E14), David Lynch (1990)

Je viens de passer 2,5 mois à lire "Le Monde comme volonté et représentation" (tome 1), donc ça teinte forcément ma vision des choses. Les paroles de la Log Lady de Twin Peaks revêtent même des accents schopenhauriens, c'est dire.


Pain for the victim, pain for the inflicter of pain.
A circle of pain, a circle of suffering.


[...] la volonté étant l'en-soi de tout phénomène, le tourment affligé à autrui et celui éprouvé par soi-même, la méchanceté et le mal, ne touchent toujours que cette même et unique essence, quoique les phénomènes, par lesquels se manifeste l'un comme l'autre, se présentent comme des individus tout à fait différents, séparés même par l'éloignement dans le temps et dans l'espace. [...] la différence entre celui qui inflige la douleur et celui qui doit la supporter n'est qu'un phénomène et ne concerne pas la chose en soi, laquelle est la volonté qui vit en tous les deux et qui, dans ce cas, abusée par la connaissance attachée à son service, se méconnaît elle-même et, en cherchant un bien-être accru dans l'UN de ses phénomènes, produit une grande souffrance dans l'AUTRE ; c'est ainsi que sous une impulsion véhémente, elle enfonce ses crocs dans sa propre chair, ignorant qu'elle ne blesse toujours qu'elle-même, et révèle de cette manière, par l'intermédiaire de l'individuation, ce conflit avec elle-même qu'elle porte en son sein. Le bourreau et la victime ne font qu'un.

Ceci sans même parler des remords ou troubles de conscience, que Schopenhaueur évoquera plus tard.

Je ne souhaite pas m'attarder sur ce texte, d'une part parce que le temps n'est pas encore venu d'aborder cet ouvrage (d'autant qu'il faudra en passer par Kant, ne serait-ce que pour comprendre l'oppostion entre "chose en soi" et "phénomène"), d'autre part parce que c'est limite la partie de son "système" à laquelle j'adhère le moins : j'en serais donc un piètre avocat.

Le Monde comme volonté et représentation (Livre IV, §63),
Arthur Schopenhaueur (1819)

mercredi 5 septembre 2012

Just to remind myself that I briefly live


Misunderstood
and disillusioned,
I go on describing this place
and the way it feels to live and die.

The “natural world”
and whatever else it’s called
I drive in and out of town
seeing no edge, breathing sky

and it’s hard to describe
without seeming absurd.
I know there’s no other world:
Mountains and websites

Dark smoke fills the air
some from the fire in my house
some from me driving around

I could see the lights of town
through the trees on the ridge
on my way home in the dark.

I meant all my songs
not as a picture of the woods
but just to remind myself
that I briefly live.

The gleaming stone
the moon in the sky at noon
there is no other world
and there has never been.

I still walk living sleeping
life in the real world of clouds
clawing for meaning.

Still when I see branches in the wind
the tumultuous place where I live
calls out revealing.

"Can you see the river in the branches
and know that it means you will die
and that pieces are churning?"

"Can you find a wildness in your body
and walk through the store after work
holding it high?"

I've held aloft some delusions.
From now on I will be perfectly clear:
There's no part of the world more meaningful
and raw impermanence echoes in the sky.

There is either no end
or constant simultaneous end and beginning.

A pile of trash
the fog on the hill
standing in the parking lot squinting.

Mt. Eerie - Through The Trees pt. 2
Clear Moon (PW Elverum & Sun ; 2012)

Je ne sais plus si je vous ai dit que le meilleur album 2012 était paru ?
La bonne nouvelle, c'est même qu'il s'agit d'un album double : Clear Moon + Ocean Roar, par Mt Eerie (habitué de ces colonnes).

Sans doute à cause de sa distribution confidentielle, cette sortie n'aura eu qu'un mince retentissement ici-bas (les inrocks sont trop occupés avec Lou Doillon ou Two Door Cinema Club)... Heureusement qu'on peut compter sur Radio Campus Paris, ou même des publications mensuelles mainstream comme l'Etudiant pour en parler !
(je ne vous cache pas que tout est lié ^_^)

Je vous mets le morceau, du coup :



Afin de prolonger l'ambiance, je referme cet article par une capture d'écran de Twin Peaks, foggy à souhait... Si je m'autorise le lien, ça n'est pas seulement parce que je revisionne la série en ce moment... mais parce que Phil Elvrum y fit explicitement référence dans un précédent album.

lundi 3 septembre 2012

De la survie augmentée

Debord toujours... Je vais me garder d'introduire ou résumer le contenu de cet extrait, puisque je ne ferais que paraphraser un texte clair, dans lequel chaque phrase est nécessaire et exprime son idée. A lire et relire, pour ceux qui se sont déjà arrêtés pour se demander :
"Au fond, pourquoi, ou plutôt, d'où vient le fait que je travaille?"

Le développement des forces productives a été l’histoire réelle inconsciente qui a construit et modifié les conditions d’existence des groupes humains en tant que conditions de survie, et élargissement de ces conditions : la base économique de toutes leurs entreprises. Le secteur de la marchandise a été, à l’intérieur d’une économie naturelle, la constitution d’un surplus de la survie. La production des marchandises, qui implique l’échange de produits variés entre des producteurs indépendants, a pu rester longtemps artisanale, contenue dans une fonction économique marginale où sa vérité quantitative est encore masquée. Cependant, là où elle a rencontré les conditions sociales du grand commerce et de l’accumulation des capitaux, elle a saisi la domination totale de l’économie. L’économie tout entière est alors devenue ce que la marchandise s’était montrée être au cours de cette conquête : un processus de développement quantitatif. Ce déploiement incessant de la puissance économique sous la forme de la marchandise, qui a transfiguré le travail humain en travail-marchandise, en salariat, aboutit cumulativement à une abondance dans laquelle la question première de la survie est sans doute résolue, mais d’une manière telle qu’elle doit se retrouver toujours ; elle est chaque fois posée de nouveau à un degré supérieur. La croissance économique libère les sociétés de la pression naturelle qui exigeait leur lutte immédiate pour la survie, mais alors c’est de leur libérateur qu'elles ne sont pas libérées. L’indépendance de la marchandise s’est étendue à l’ensemble de l’économie sur laquelle elle règne. L’économie transforme le monde, mais le transforme seulement en monde de l’économie. La pseudo-nature dans laquelle le travail humain s’est aliéné exige de poursuivre à l’infini son service, et ce service, n’étant jugé et absous que par lui-même, en fait obtient la totalité des efforts et des projets socialement licites, comme ses serviteurs. L’abondance des marchandises, c’est-à-dire du rapport marchand, ne peut être plus que la survie augmentée.

Guy Debord, la Société du Spectacle (1967)