mercredi 30 mars 2011

un pouvoir de choix planétaire

Il sortit du café, courut jusque chez lui en pensant que deux heures plus tôt, il courait exactement en sens inverse, qu'il était alors un fuyard et que maintenant il maîtrisait la situation, qu'il avait manoeuvré comme un chef pour s'introduire sans risque dans le camp adverse. Personne dans l'appartement. Il courut vers le secrétaire, ouvrit le tiroir où se trouvait son passeport qu'il ramassa, ainsi que ses cartes de crédit : American Express, Visa, Diner's Club. Il trouva même de l'argent liquide. Agnès n'aurait pas dû négliger ces détails, c'est ainsi, pensa-t-il avec satisfaction, que capotent les plans les mieux organisés. Il voulut laisser un mot sarcastique, « je vous ai bien eus » ou quelque chose de ce genre, mais n'en trouva pas la formulation. Près du téléphone, il avisa l'interrogateur à distance du répondeur et le fourra dans sa poche, puis il quitta l'appartement. Avant même d'atteindre le carrefour, il trouva un taxi et demanda qu'on le conduise à l'aéroport de Roissy. Tout se passait bien, comme un hold-up minutieusement préparé. Il n'avait plus du tout sommeil.

La circulation était fluide, ils rejoignirent sans peine le boulevard périphérique, puis l'autoroute. Durant le trajet, il prit plaisir à écarter, au nom de la logique et de la vraisemblance, les obstacles qui pouvaient empêcher son départ. A supposer que, découvrant la disparition du passeport et des cartes de crédit, Agnès et Jérôme devinent son intention, ils n'auraient jamais le temps de l'arrêter avant sa montée dans l'avion. Quant à faire transmettre son signalement à la police des aéroports, c'était une mesure hors de leur portée. Il regrettait presque d'avoir pris sur eux une telle avance, se privant du spectacle de leurs silhouettes minuscules en train de courir sur la piste tandis que l'avion décollait, de la fureur qu'ils éprouveraient à le voir leur échapper si peu. Il se demanda combien de temps il lui faudrait attendre pour partir, obtenir une place sur un vol dont la destination lui était égale, pourvu qu'elle fût lointaine. Le fait d'arriver sans bagages, de demander un billet pour n'importe où lui procurait une sorte d'ivresse, une impression de liberté royale qu'il croyait dévolue aux héros de cinéma et qu'altérait à peine la crainte que, dans la vie, ça ne se passe pas aussi facilement. Mais il n'y avait aucune raison, après tout. Et cette ivresse augmenta encore quand le chauffeur demanda « Roissy 1 ou 2?» : il se sentit riche d'un pouvoir de choix planétaire, libre de décider à son gré, tout de suite, s'il aimait mieux s'envoler pour l'Asie ou pour l'Amérique. En fait, il ne savait pas très bien à quelles régions du monde, ou à quelles compagnies, correspondaient les divisions de l'aéroport, mais cette ignorance entrait dans l'ordre normal des choses, il n'en éprouvait aucune gêne et il dit au hasard « Roissy 2, je vous prie », se renfonça dans la banquette, sans inquiétude aucune.

Ensuite, tout alla très vite. Il consulta le tableau des départs : en s'accordant une marge d'une heure le temps d'établir le billet, il avait le choix entre Brasilia, Bombay, Sydney et Hong-Kong, et, comme par enchantement, il restait de la place pour Hong-Kong, aucun visa n'était nécessaire, l'hôtesse au guichet ne parut pas surprise, dit seulement que ça risquait d'être juste pour l'enregistrement des bagages. « Pas de bagages ! », déclara-t-il fièrement, en levant les bras, un peu déçu cependant qu'elle n'en ait pas l'air plus étonnée. [...] Moins d'une demi-heure après son arrivée à Roissy, il s'endormait dans le terminal de départ. Quelqu'un, un peu plus tard, lui toucha l'épaule et lui dit qu'il était temps, il tendit sa carte d'embarquement, piétina jusqu'à son fauteuil où, à peine assis, sa ceinture bouclée, il s'endormait à nouveau.

La Moustache, Emmanuel Carrère (1986)

Le pitch, vous le connaissez peut-être, un homme, pensant faire une surprise à sa femme et à son entourage, se rase un beau matin la moustache.
Riant intérieurement des réactions que son changement d'aspect provoquera, il change pourtant rapidement d'humeur. Car personne ne remarque rien.
Pire, lorsqu'il tentera de dissiper tout malentendu, on lui soutiendra qu'il n'a jamais eu de moustache.
De quoi évidemment se poser quantité de questions sur sa propre identité, voire son existence.

Et c'est ce qui est particulièrement bien rendu, dans le livre: les pensées galopantes du personnage principale, le poussant parfois à trouver vraisemblable l'impensable, à accorder sa confiance à autrui pour la reprendre dès que son cerveau aura forgé quelque autre pensée nouvelle.

-

J'aime ce passage parce qu'il me rappelle ce que je peux ressentir à la traversée d'une gare.
Ca marche mieux, d'ailleurs, avec les trains qu'avec les avions, puisqu'il est plus facile de monter à bord sur un coup de tête, sans même savoir où l'on va:
Un pas sur le marche-pied, et on peut se retrouver quelques heures plus tard à Brest, Munich, ou Irun...

lundi 28 mars 2011

Daydreaming

Avec les beaux jours, il semble que la saison des concerts ait repris. Tout du moins me concernant. S'ils s'étaient faits rares depuis le mois de décembre (cf. Agenda), cette fin de semaine aura été plutôt riche.

Début des réjouissances: le jeudi, que par chance, je passais - pour raisons professionnelles - à La Défense. Je ne suis pas sûr que les notions de "chance" et de "quartier de la Défense" aient jamais été associées, quoiqu'il en soit, j'ai créé un précédent, en un sunny sunny day, lors duquel se produisait Dark Dark Dark (dans le cadre du festival Chorus). L'écoute de leur album "Wild Go" m'avait tellement impressionné que j'étais disposé à voir le groupe deux fois dans la même journée, ici, puis le soir même au Café de la Danse.

Ecouter Daydreaming et sa soif de grands espaces avait quelque chose de savoureux, au beau milieu de ce quartier d'affaires.

Think of a place I would go,
I’m daydreamin’,
Where the sycamore grow,
I’m daydreamin’,
And oh if you knew what it meant to me,
Where the air was so clear,
Oh if you knew what it meant to me,
Anywhere but here.

Oh now look to the east,
Great mountains remember me,
Oh I wound around you for miles,
I sat down right there and stretched my bones.
And oh if you knew what it meant to me,
You would see, too.

Ca, c'était le soir :

Alden Penner, et Matt Elliott ouvraient la soirée.
Je vous cache pas que j'aurais préféré voir le second en tant que Third Eye Foundation, mais pour l'heure, il semble réserver l'exclusivité d'un tel set à trois dates seulement (Brest, Nantes et Bruxelles).

Le lendemain, toute autre ambiance, avec le "spectacle" de Florent Marchet. "Spectacle" au sens où tout y était étudié, les transitions, le décor, et l'ordre des morceaux: chacun d'entre eux se devait d'apporter un élément différent par rapport à ce qui avait précédé, que ce soit au niveau de l'atmosphère musicale, des effets sonores, des lumières, des vidéos d'arrière-plan, du line-up présent sur scène, des guests (La Fiancée, Gaëtan Roussel)...

La constante fut évidemment sa tenue de "Benjamin".


Ceci dit, Benjamin, avec ses moustaches, ses pulls jacquards, ses souliers vernis, et son pantalon trop court, est limite super à la mode
(genre s'il boutonnait le col de sa chemise, il pourrait sans aucun problème figurer parmi the Drums)

Fin de Weekend au calme, dans l'immensité du 104, dans la pénombre de son auditorium, entouré des ambiances sonores construites par Murcof, invité par le festival Présences électroniques.

Dark Dark Dark - Daydreaming
Wild Go (Melodic, 2011)

dimanche 27 mars 2011

Happy Needs Color

Profitons de ce que nous folâtrâmes en pleine nature dans l'article précédent, pour ajouter à la rubrique Crossed Covers un épisode tout aussi vert, avec ces trois visuels à la composition similaire.



the Cave Singers, Invitation Songs (Beggars Banquet, 2008)
Alex beaupain, Bande Originale Non, ma fille tu n'iras pas danser (Naive, 2009)
Spokes, Everyone I Met (Counter, 2011)
Slugabed, Time Team (Ninja tune, 2012)
Braids, In kind (Full Time Hobby, 2013)

[Le titre de cet article provient d'une chanson de l'album de Spokes]

samedi 26 mars 2011

Green Mind (London Calling Part.3)

Dernier volet de ma série d'articles consacrée à mon séjour à Londres: Après avoir adopté les angles "Musique" puis "Art pictural", je conclue par une note verte, grâce à Hampstead Heath, situé non loin de l'appartement où je logeais (au Nord de londres, sur la branche gauche de la northern line).

Hampstead Heath est l'un des nombreux parcs de Londres, c'est celui où se trouve la fameuse Parliament Hill, dont voici le sommet :


Un très bon spot pour un jogging matutinal... Une occasion également de constater que les chiens anglais sont vraiment bien dressés, et ne s'écartent jamais d'un pas pour suivre ou approcher un passant.

J'aime beaucoup Londres et ses grands jardins, je souhaite tout de même profiter de ce post pour rétablir la vérité à propos de leurs superficies, et de leur immensité (comparée à celle du Bois de Vincennes).

Hyde Park (en comptant les jardins Kensington attenants) s'étend sur 253 hectares, ce qui fait évidemment rêver, face aux 23 hectares du Jardin du Luxembourg.

Hampstead Heath, dont je viens de vous parler à une superficie de 320 hectares, soit à peine moins que Central Park / NewYork (341 ha), mais loin derrière le plus grand jardin urbain du Monde, à savoir l'englishen Garten de Munich. Sa superficie est de 958 hectares (à titre de comparaison, le Tier Garten à Berlin mesure lui 220 hectares).

Reste enfin le Bois de Vincennes (même s'il ne s'agit pas d'un parc de ville). Et bien sa superficie est de 995 hectares.

C'était la minute culture générale.
(vraiment très intéressant)

vendredi 25 mars 2011

And I feel fine

Puisque j'entamais cette semaine thématique liée à la fin du monde en faisant référence à la chanson de R.E.M., en voici les paroles...
Quant au clip, c'est .
(non, je ne l'embedde pas)

That's great, it starts with an earthquake
Birds and snakes, an airplane
And Lenny Bruce is not afraid
Eye of a hurricane, listen to yourself churn
World serves its own needs
Dummy, serve your own needs
Feed it off an aux speak, grunt, no, strength, no
Ladder start to clatter with fear fight down height
Wire in a fire, representing seven games
A government for hire and a combat site
Left of west and coming in a hurry
With the furies breathing down your neck
Team by team reporters baffled, trumped, tethered, cropped
Look at that low playing! Fine, then
Uh oh, overflow, population, common food, but it'll do
Save yourself, serve yourself
World serves its own needs
Listen to your heartbeat, dummy
With the rapture and the revered and the right, right
You vitriolic, patriotic, slam, fight, bright light, feeling pretty psyched

It's the end of the world as we know it
It's the end of the world as we know it and I feel fine

Six o'clock, TV hour
Don't get caught in foreign towers
Slash and burn, return, listen to yourself churn
Locking in, uniforming, book burning, blood letting
Every motive escalate, automotive incinerate
Light a candle, light a votive, step down, step down
Watch your heel crush, crushed, uh-oh
This means no fear, cavalier, renegade steer clear!
A tournament, tournament, a tournament of lies
Offer me solutions, offer me alternatives and I decline

It's the end of the world as we know it
(it's time I had some time alone)
It's the end of the world as we know it and I feel fine

The other night I dreamt of knives, continental drift divide
Mountains sit in a line, Leonard Bernstein!
Leonid Brezhnev, Lenny Bruce, and Lester Bangs
Birthday party, cheesecake, jelly bean, boom!
You symbiotic, patriotic, slam book neck, right? Right!

It's the end of the world as we know it
(it's time I had some time alone)
It's the end of the world as we know it and I feel fine
...

R.E.M. - It's The End Of The World as we know it (and i feel fine)
Document (Capitol, 1987)

jeudi 24 mars 2011

la dernière semaine de l’humanité

La fin du monde approche...
Mais il y a pire que ce que j'évoquais hier.
Le journal Libération raconte :

Bon ben voilà : tchao la compagnie. Notez, on aurait dû s’en douter tant les signes annonciateurs nous clignotaient dans la rétine façon gyrophare. Au hasard, ce Carré Viiip, sur TF1 depuis vendredi soir et qui devait durer des mois, genre de Godzilla de la télé-réalité, trop visqueux, trop trash, trop dégueu. Carré Viiip, qui affiche un niveau 9 - soit l’alerte maximum que les scientifiques appellent dans leur volapük « la bonne grosse daubasse qui tache » - sur l’échelle de Cauet qui n’en compte pourtant que 7. Carré Viiip, son concept contre-nature, né du désespoir de la Une à faire remonter son audience, enferme des candidats dans une enceinte de confinement à la Plaine-Saint-Denis. Carré Viiip, qui fait s’affronter des anonymes assoiffés de gloire rapide à d’ex-anonymes dont la gloire, déjà mince, maigrit à vue d’œil (un exemple suffira : Mickaël Vendetta, aspirant trou du cul de gnou dans la Ferme célébrités), tous des mutants créés par la folie des hommes. La diffusion de Carré Viiip, donc, aurait dû nous alerter mais bon, maintenant, toute la planète est au jus : ça y est, c’est la fin du monde. Ô toi, explorateur du futur qui, dans quelques millions d’années, retrouvera le fossile de cet article, voici ce qui s’est passé à la télé lors de la dernière semaine de l’humanité.

La suite, ici:

Isabelle Roberts, Raphaël Garrigos
dans Libération du 19/03/2011

mardi 22 mars 2011

It's the end of the world as we know it


Les événements majeurs qui marquent l'actualité internationale ces derniers temps ont ceci de frappant qu'ils forcent à concevoir un monde différent, à rendre le fictionnel probable, tangible.


En avril dernier, l'éruption du volcan islandais permettait tout à coup d'imaginer un monde sans transport aérien, c'est-à-dire un monde dans lequel les distances reprendraient le sens qu'elles avaient jusqu'au début du XXème siècle. Avec bien sûr ce que ça implique pour la circulation des êtres et des marchandises.


Depuis ce début d'année, le monde arabe nous montre que la Révolution est possible: Il est possible pour un peuple de renverser un régime autoritaire en place. Je m'empresse d'ajouter: "Encore aujourd'hui" (car tout de même, j'ai eu des cours d'Histoire à l'école).
Cela tend à donner raison à Etienne de la Boétie et à son "Discours de la Servitude Volontaire" (1581). Rappelons que son idée maîtresse est que si un peuple souffre de la domination d'un tyran, c'est d'abord parce qu'il y consent.
Je prendrai le temps prochainement de revenir sur ce raccourci et d'approfondir ce texte... Car enfin, il semble bien que les rebelles libyens, aussi déterminés soient-ils, se seraient fait ratatiner, sans aide extérieure.


Fukushima, enfin. En dehors de toute considération scientifique qui peut-être démentirait ma vision, la néo-Tokyo détruite telle que la dessine Otomo dans Akira n'est plus aussi impensable.


Et avec elle, la vie qui persiste dans ce territoire hors de contrôle de l'Etat et de l'armée, dans lequel l'anarchie règne. Là, il faut connaître le manga, pour bien visualiser. Je vous laisse vous y reporter!

Sinon, sur Arise Therefore, on continue à parler de fin du monde toute cette semaine.
Car un événement plus grave devait survenir...

(à suivre)

Etienne de la Boétie, Discours de la servitude volontaire (1581)
Katsuhiro Otomo, Akira (1982-1989)

dimanche 20 mars 2011

i'll always remember that day


Une petite Louise est née aujourd'hui, ça me fait un peu penser à Louise Bourgeois, à Louise Michel et à Louise Bourgoin... mais ça m'a aussi rappelé une chanson.
A la ré-écouter, je suis sûr qu'elle pourrait faire l'objet d'une superbe reprise folk... Hélas, on peut demander beaucoup de choses à Will Oldham, comme d'écouter du métal ou du r'n'b, mais de la dark wave ou du rock gothique, moins.
D'ailleurs, me concernant, c'est uniquement par proche interposé [il se reconnaîtra] que je connais ce morceau de Clan of Xymox.
Le lien, et le début des paroles....
louise
it seemed a long time ago
louise
i'll always remember that day
...
[il faut écouter jusqu'au bout, par contre]
Clan of Xymox - Louise Medusa (4AD, 1986)
Terrence Malick, Tree of Life (été 2011)

samedi 19 mars 2011

Il ne faut pas confondre...

Je vous disais tantôt avoir assisté à un concert de Phantom Band. Autant en profiter pour faire un point tout de suite...

Car en effet, il ne faut pas confondre :

Phantom Band
(des écossais signés sur Chemikal Underground,
à classer dans la catégorie Rock FM)

Phantogram,
le duo electro pop originaire de l'état de New York...
(électro-pop Broadcast-like)

Phantom Buffalo
(le sympathique groupe pop de Portland [Maine]
aux trois albums)
(désolé, il y a pas une photo correcte du groupe sur tout internet)
(Edit: Merci à JC / Microcultures)

et Fantomas
(l'un des nombreux projets de Mike Patton, ex-Faith no More,
paru sur son label Ipecac)

jeudi 17 mars 2011

Tate de l'Art (London Calling part.2)

Il y a encore quelques photos de mon séjour à Londres que je souhaite publier ici, aussi me faut-il continuer d'imaginer du liant, et d'écrire ces brefs articles.

Rassurez-vous, je n'irai pas jusqu'à vous montrer le Big Ben, l'abbaye de Westminster, ou le Tower Bridge. A dire vrai, la photographie de monuments m'ennuie. La démarche me paraît vaine, puisque google images fait à lui seul remonter des centaines d'occurences de clichés. D'autant que la géographie des lieux limite souvent les possibilités de prises de vue.

A ce propos, sur ce travail de l'artiste Corinne Vionnet, on voit ici émerger la photo moyenne du Big Ben :

sans doute majoritairement prises depuis le Westminster Bridge, que je traversais en revenant de la Tate Britain...


Deux jours plus tard, je visitais la National Gallery...

Mais oublions les paysages bucoliques.
Car l'Art est (aussi) dans la rue.

Un couloir de métro et un "corridor" plus tard...


...j'atteignais l'imposante Tate Modern, dernière étape de mon parcours artistique (gratuit, soulignons-le).



Corinne Vionnet - Photo Opportunities

John Singer Sargent - Carnation, Lily, Lily, Rose (1887)
Vincent Van Gogh - Champ de blé avec cyprès (1890)
...
Maria Helena Vieira da Silva - the corridor (1950)
...

mercredi 16 mars 2011

Is this a Miracle? (London Calling Part.1)

Précisons d'emblée que, devant la somme de catastrophes qui touchent le Japon, on se sent un peu con de parler de tout et de rien sur un blog.

Anyway...


Oui, car pour ceux qui l'ignoraient, Pulp se reforme le temps de quelques concerts, le premier à Barcelone (festival Primavera), le second le 3 juillet à Londres (festival Wireless), à Hyde Park.
Et il se trouve que j'y serai.

Il se trouve également que je viens de passer une petite semaine à Londres. La capitale anglaise a évidemment une résonnance particulière pour tout amateur de musique.
Check list du séjour:

- Entendre du Pulp dans un bar: Fait!

Et encore, dans un pub même pas branché, même pas pop, mais juste normal.
Je pourrais mentionner Vampire Weekend dans une restaurant de gourmet burgers, ou My Bloody Valentine en faisant les courses... mais c'est tout de même ce premier exemple qui m'aura le plus fait plaisir.

- Voir des publicités pour Oasis dans la rue: Fait!
La dernière fois que j'ai mis les pieds en Angleterre, c'était à Reading, en 199...5 (facile, pour la date, je n'ai qu'à regarder l'année de parution du single Girl from Mars de Ash).
Je me souviens que l'opposition Blur - Oasis battait alors son plein.

Les choses ont changé depuis, mais Liam Gallagher fait toujours de la musique et l'album de Beady Eye venait tout juste de paraître.


[Camden]

Note: Il y avait aussi des pubs pour Noah and the Whale dans le métro, mais c'est moins couleur locale.


- Voir un *pur* concert: Fail
Il faut croire que je suis tombé sur une semaine creuse... Et, malheureusement, le concert en lequel je plaçais beaucoup d'espoirs (Piano Magic + Ringo Deathstarr) était complet. Je me suis donc rabattu par dépit sur le concert de Phantom Band...
J'avais souvenir d'un album vraiment pas terrible, le concert était pire.
Tant pis.

Pas non plus de soirée dubstep.

- Aller à Rough Trade: Fait


[Brick Lane]

Bon, ok, Rough Trade East était exceptionnellement fermé le jour où j'y suis passé... Mais l'original, lui, était bien ouvert. Vous noterez en tout cas que Lykke Li a la cote, de ce côté ci de la Manche.


[Notting Hill]

Suite de la checklist musique: probablement en Juillet.
Quant aux autres aspects de mon séjour à Londres, je les évoquerai dans les jours à venir.

dimanche 13 mars 2011

We Speak in the Dark

A peine diffusé, à peine mise en ligne... Je veux parler du volume 10 de Top Tape, pour cette saison.

A bien y regarder, c'est d'ailleurs la 50ème émission !

Toujours dans une veine indie pop, on ne retrouve dans ce volume que des groupes restituant dans leur musique une influence digérée et assimilée de musiques du monde.

Ca vaut pour Rainbow Arabia, dont l'album est à gagner cette semaine, mais aussi pour Vampire Weekend, El Guincho, Panda Bear, Gang Gang Dance etc...

Bonne écoute!
(lien)
Ne serait-ce que pour le morceau de mamiffer, à la toute fin

samedi 12 mars 2011

Quel sens avait le fromage?

J'étais persuadé d'avoir achevé de citer des passages du recueil "Penser/Classer" de Perec... Et pourtant, en m'apprêtant à le restituer à son propriétaire, j'ai relu le chapitre intitulé :

Lire : esquisse
socio-physiologique

Car si "toute une école moderne de critique a depuis plusieurs décennies déjà, mis précisément l'accent sur le comment de l'écriture, le faire, le poïétique (*) [...], un travail équivalent reste à faire [lui]-semble-t-il sur l'aspect éfferent de cette production: la prise en charge du texte par le lecteur".

Seront évoqués par la suite différents aspects liés au corps (yeux, voix, lèvres, mains, postures), avant d'en venir à l'environnement de lecture.

Mettons de côté la lecture à des fins professionnelles ou studieuses, pour évoquer la lecture loisir.

Ne convient-il pas, en tout cas, d'interroger ces environnements de lecture: lire ce n'est pas seulement lire un texte, déchiffrer des signes, arpenter des pages, traverser un sens ; ce n'est pas seulement la communion abstraite de l'auteur et du lecteur, la noce mystique de l'Idée et de l'Oreille, c'est, en même temps, le bruit du métro, ou le balancement du wagon de chemin de fer, ou la chaleur du soleil sur une plage et les cris des enfants qui jouent un peu plus loin, ou la sensation de l'eau chaude dans la baignoire, ou l'attente du sommeil...

Un exemple me permettra de préciser le sens de cette interrogation que l'on est parfaitement en droit, au demeurant, de trouver tout à fait oiseuse: il y a une bonne dizaine d'années, je dînais avec quelques amis dans un petit restaurant (hors-d'oeuvre, plat du jour garni, fromage ou dessert) ; à une autre table, dînait un philosophe déjà justement réputé ; il dînait seul, tout en lisant un texte ronéotypé qui était vraisemblablement une thèse. Il lisait entre chaque plat, et souvent même entre chaque bouchée, et nous nous sommes demandés, mes compagnons et moi, quel pouvait être l'effet de cette double activité, comment ça se mélangeait, quel goût avaient les mots et quel sens avait le fromage: une bouchée, un concept, une bouchée, un concept... Comment est-ce que ça se mâchait, un concept, comment est-ce que ça s'ingurgitait, comment ça se digérait? Et comment pouvait-on rendre l'effet de cette double nourriture, comment le décrire, comment le mesurer?

Georges Perec, Penser/Classer (1978)

Je pourrai bien sûr citer d'autres passages ou développer, mais, en raison du goût de l'auteur pour l'énumération, beaucoup de choses figurent déjà dans ce texte (de l'activation des muscles même lorsqu'on lit "dans sa tête", à la perception visuelle des noms propres dans les romans russes). Je vous laisse vous y reporter.

Questionner l'acte de lire est également intéressant pour un écrivain : tel livre / passage aura-t-il plutôt suscité une lecture attentive, captivée, distraite, flottante, laborieuse? à moins que comme évoqué ci-dessus, cela ait fortement varié selon les conditions et individus.
Et vous, comment lisez-vous?


(*) Poïétique: En art, étude des processus de création et du rapport de l'auteur à l'œuvre.

jeudi 10 mars 2011

Within The Realm Of A Dying Sun

Nouvelle série de "Crossed Covers".
Un peu froide, j'en conviens.
Comme toujours, vos éventuels compléments sont les bienvenus!

Il y a d'abord ce single de "How to Dress Well"paru l'été dernier, ainsi que l'album "Artists' Rifle" de Piano Magic...


Pas moyen de connaître l'origine de la photographie. C'est en revanche plus aisé pour Dead Can Dance:

Un caveau à portée de métro puisqu'on peut le voir au Cimetière du Père Lachaise
(Famille Raspail)

Autre classique, "Closer" de Joy Division. Je dois avouer que mon souvenir de cette pochette était assez imprécis, et je n'étais plus tout à fait sûr qu'il s'agisse bien d'une sculpture, et non d'une peinture photographiée en noir et blanc.


La première impression était la bonne:


Il s'agit d'une des nombreuses statues qu'on peut voir dans le "Cimitière Monumental de Staglieno" situé à Gênes, en Italie.
D'autres exemples, pour la route:



How to dress well - ecstasy with jojo (Transparent, 2010)
Piano Magic - Artists' Rifles (rocket girl, 2000)
Dead Can Dance - Within The Realm Of A Dying Sun
(4AD, 1987)
Joy Division - Closer (Factory, 1980)

mardi 8 mars 2011

Don't you like Bodega Bay? (Brune/Blonde, part.4)

La vie d'Arise Therefore est faite de séries de trois ou quatre articles que je dissémine au fil du temps, plutôt que de les concentrer. Ainsi, à l'occasion d'un cycle à la Cinémathèque, je mentionnais tantôt différents films d'Hitchcock, sous l'angle de leur duo d'actrices brune et blonde.

Depuis, j'ai également eu le plaisir d'assister en afterwork à la projection sur grand écran des Oiseaux.


Vous reconnaissez Tippi (Melanie Daniels dans le film), et sa "classe internationale"...


...mais il ne faudrait pas oublier Annie Hayworth, personnage joué par une certaine Suzanne Pleshette. Plus énigmatique, plus triste et résignée... mais néanmoins très active et prévenante quand il s'agit de s'occuper des enfants dont elle a la charge, en tant qu'institutrice.



Annie Hayworth: Did you drive up from San Francisco by the coast road?
Melanie Daniels: Yes.
Annie Hayworth: Nice drive.
Melanie Daniels: It's very beautiful.
Annie Hayworth: Is that where you met Mitch?
Melanie Daniels: Yes.
Annie Hayworth: I guess that's where everyone meets Mitch.

L'histoire se passe à Bodega Bay (à 1h de route au nord de San Francisco), endroit qu'on a l'impression de bien connaître à la fin du film, tant le réalisateur nous y a fait circuler.

Ceci dit, ça a bien changé depuis les années 1960, comme on peut le constater en y retournant via Google StreetView.

the Birds, Alfred Hitchcock (1963)

dimanche 6 mars 2011

Einmal In Der Woche Schreien

Moi qui croyais en avoir fini avec Jules & Jim, voilà que le dernier clip de Rural Alberta Advantage m'y ramène.



Le clip est sympa mais sans plus, d'autant qu'il a tendance à dévier l'attention de cette chanson que j'adore. Vous pouvez d'ailleurs l'écouter dans ma dernière mixtape, feat. Little Wings, Danielson, Little Rabbits, et... plein de morceaux de Stupeflip!

De quoi vous faire patienter, d'ici la prochaine émission
(avec des CDs de Rainbow Arabia à gagner)



The Rural Alberta Advantage – Stamp
Departing (Saddle Creek, 2011)

samedi 5 mars 2011

Combien de temps durera ce toujours?

Dernier extrait de Richard III sur Arise therefore.
L'un des moments les plus intenses de la pièce, dans la mise en scène de David Gauchard, est cette joute verbale entre la Reine Elisabeth, veuve du roi Edouard IV, et Richard, meurtrier sanguinaire.
La tension est renforcée par la guitare d'Olivier Mellano, qui en fait une scène que j'aimerais beaucoup pouvoir revoir.

Ne doutant de rien, Richard se voit déjà épouser la fille de la Reine Elisabeth, alors même qu'il est l'assassin de feu le roi Edouard IV, père de la première, épouse de la seconde.

LA REINE ELISABETH — Que ferais-je bien de lui dire? que le frère de son père voudrait être son mari? Lui dirai-je que c'est son oncle, ou que c'est le meurtrier de ses frères et de ses oncles? Sous quel titre te vanterai-je, que Dieu, la loi, mon honneur et sa tendresse puissent rendre agréable à ses jeunes années?
LE ROI RICHARD — Montre-lui le repos de l'Angleterre dans cette alliance.
— Repos acquis par elle au prix d'éternels troubles!
— Dis-lui que le roi, qui peut commander, la supplie
— De consentir à ce que le Roi des rois défend.
— Dis-lui qu'elle sera une haute et puissante reine.
— Pour en déplorer le titre, comme sa mère.
— Dis-lui que je l'aimerai toujours.
— Mais combien de temps durera ce toujours?
— Jusqu'à la fin de son heureuse vie, et de plus en plus tendre!
— Mais combien de temps sa tendre vie sera-t-elle heureuse?
— Autant que le ciel et la nature la prolongeront.
— Autant qu'il plaira à l'enfer et à Richard.
— Dis-lui que moi, son souverain, je suis son humble sujet.
— Mais elle, votre sujette, abhorre une telle souveraineté.
— Appuie-moi auprès d'elle de ton éloquence.
— Une honnête proposition, pour être agréée, n'a besoin que d'être simplement dite.
— Dis-lui donc en termes simples mon amoureuse proposition.
— Dire simplement ce qui n'est pas honnête, c'est impudent.
— Vos raisons sont par trop superficielles et par trop vives.
— Oh, non! Mes raisons ne sont que par trop profondes et trop funèbres. Il n'est que trop profond et trop funèbre, le tombeau de mes pauvres enfants!
— Ne touchez pas cette corde, madame. Cela est passé !
— Je la toucherai, jusqu'à ce que la corde du cœur éclate.
— Eh bien, par mon saint George, par ma Jarretière, par ma couronne...
— Tu as profané l'un, déshonoré l'autre, usurpé la troisième.
— Je jure...
— Par rien; car ceci n'est pas un serment. Ton saint George profané a perdu sa dignité sacrée; ta Jarretière souillée a laissé en gage sa chevaleresque vertu; ta couronne usurpée a souillé sa gloire royale. Si tu veux faire un serment qu'on puisse croire, jure donc par quelque chose que tu n'aies pas outragé.
— Eh bien! par le monde.
— Il est plein de tes forfaits hideux!
— Par la mort de mon père...
— Ta vie l'a déshonorée!
— Alors, par moi-même...
— Tu t'es toi-même avili!
— Eh bien alors, par Dieu...
— C'est Dieu que tu as le plus outragé. Si tu avais craint de rompre un serment fait en son nom, l'union qu'avait formée le roi ton frère n'aurait pas été rompue, ni mon frère égorgé. Si tu avais craint de rompre un serment fait en son nom, l'impérial métal qui entoure maintenant ta tête aurait orné les jeunes tempes de mon enfant; et ils seraient ici vivants, ces deux tendres princes qui maintenant, camarades de lit de la poussière, sont devenus la proie des vers, par ta foi violée ! Par quoi peux-tu jurer à présent?
— Par l'avenir.
— Tu l'as outragé dans le passé. J'ai moi-même à verser bien des larmes avant de laver le temps futur de tes outrages passés. Les enfants dont tu as tué les parents vivent pour déplorer dans leur vieillesse leur jeunesse abandonnée; les parents dont tu as massacré les enfants vivent pour déplorer avec leur vieillesse leur antique souche desséchée. Ne jure pas par l'avenir : car tu en as abusé, avant de l'user, par un passé mal usé.

William Shakespeare - Richard III (1597)

Pour ceux d'entre vous qui souhaitent se faire une idée de la pièce, un extrait musical est visible ici... Enfin, sur le site de la Compagnie de l'Unijambiste, on apprend avec bonheur que le cycle mêlant Shakespeare et Arts Numériques s'achèvera par le Songe d'une Nuit dété.

mardi 1 mars 2011

Album Covers of the Week

Agréable soirée, hier, que celle organisée par le label strasbourgeois Herzfeld, à l'International (avec notamment Lauter, Romeo&Sarah). Les différents groupes et musiciens ont l'air de bien se connaitre et affichent une cohésion réjouissante.

Pour ne rien gâcher, les visuels de leurs albums sont des plus réussis:
Album issu de la résidence Hiero / Herzfeld


Little Red Lauter, Slow Down (Herzfeld, 2010)


Graphisme : Jimmy Cuquel
Photos : Christophe Urbain