vendredi 27 février 2009

Why is the night so long?

Retour de concert: M.Ward était ce soir au Café de la Danse. Le risque était qu'il vienne avec tout un groupe, et que le concert soit seulement plaisant (ou pire, countrysant à outrance)... L'espoir était qu'il ménage quelques précieux instants guitare / voix. Ce qui s'est produit.
Des instants où personne dans la salle ne parle.
Il faut avoir vu son jeu de guitare, et connaître son timbre pour comprendre.


I sailed a wild, wild sea
climbed up a tall, tall mountain
I met a old, old man
beneath a weeping willow tree
He said now if you got some questions
go and lay them at my feet
but my time here is brief
so you'll have to pick just three

And I said :
What do you do with the pieces of a broken heart?
and how can a man like me remain in the light?
and if life is really as short as they say
then why is the night so long?
and then the sun went down
and he sang for me this song
See I once was a young fool like you
afraid to do the things
that I knew I had to do
So I played an escapade just like you
I sailed a wild, wild sea
climbed up a tall, tall mountain
I met an old, old man
he sat beneath a sapling tree
He said now if you got some questions
go and lay them at my feet
but my time here is brief
so you'll have to pick just three

And I said :
What do you do with the pieces of a broken heart?
and how can a man like me remain in the light?
and if life is really as short as they say
then why is the night so long?
and then the sun went down
and he played for me this song

M.Ward - Chinese Translation
Post War (Matador, 2006)
www.myspace.com/mward

samedi 21 février 2009

sous le signe du V

Chacun sa banlieue...

Dès sa naissance un versaillais sait qu'il se devra d'aller très loin. Déjà pour se rendre à la capitale, il est obligé de prendre le train. J'ai grandi dans cette ville construite autours d'une petite cabane de chasse / où le poids de l'histoire te rappelle qu'il faut que tu t'effaces /afin de rentrer dans un rang d'enfants tous très sympas / dont les principaux passe-temps sont le scoutisme et le bénévolat. Le carcan social est lourd, tout comme la masturbation rend sourd. (C'est ce qu'ils me répétaient au catéchisme après les cours)



Jamais un versaillais ne sera capable de faire de mal à une mouche / C'est impossible puisque au fond de lui il respecte bien trop la vie. Moi c'est en grandissant à leurs côtés que je suis devenu /un fervent défenseur en faveur de l'avortement ainsi que de l'euthanasie. Pour savoir à quoi ressemble une ville de province dans les années '60 / il n'y a pas besoin d'inventer de machine à remonter dans le passé / En partant de Paris il suffit de prendre le bon RER C. Je suis inquiet, toutes les rues d'ici semblent avoir une maladie / je ne suis pas docteur ès ville mais je crois bien que c'est l'ennui.

Né sous le signe du V

Peut-être que ma ville n'est pas Hip-Hop mais il y a quand même plusieurs taggers. Le plus présent et sans nul doute celui qui signe partout " Vive le Roi ". Il y a aussi " La France aux français " mais son style est nettement plus démodé. Le soir il n'y a rien à faire à part prendre des verres Place du Marché. Si les parents de François s'absentent il y aura sans doute un squat organisé. Nous y descendrons quelques packs de Kro en écoutant du rock et fumant des joints. Il n'y aura sûrement pas de filles mais l'alcool et la drogue c'est déjà bien. Car nous sommes des rebelles sans causes depuis que l'argent nous les a enlevées. Certains vivent même dans des camions et font de la Techno dans la forêt. Et chaque jeune a dans son placard un T-shirt à l'effigie du Che / même si la plupart sont incapables de pouvoir expliquer qui il est. Enfermés dans leurs chambres Jean-Benoît et Nicolas écoutent les Pink Floyd / en rêvant de fonder un groupe de rock pour pouvoir vivre de leur musique. Mais perdus entre les 3 Avenues, ils entendent la ville leur chuchoter / qu'un vrai métier c'est Architecte ou Professeur de Mathématiques.

Né sous le signe du V

Tous sont persuadés de faire partie d'une élite éduquée / alors que tous se piquent leur place dans la queue de la Boulangerie ou du Marché. Je ne connais pas d'autre endroit où à 40 ans les femmes portent encore le serre-tête en velours. Attendent un douzième enfant et vont se confesser tous les jours. C'est d'ailleurs ici que plein de jeunes ont rencontré notre Seigneur Jésus. J''ai beau arpenter les rues, pas de chance, je ne l'ai jamais vu. Marie-Charlotte aimerait me faire croire qu'elle a quelques amis basanés / mais ce ne sont que Pierre et Louis qui rentrent bronzés de l'Ile de Ré. Dans la Bibliothèque Municipale le temps semble soudain s'être arrêté / ce qui n'empêche personne de réviser pour Sciences- Po ou HEC. Ici bizarrement il y a des choses dont on ne parle pas / comme du nombre de jeunes qui chaque année se suicident en Classe Prépa. Ils pourront dire tout ce qu'ils veulent sur le 11 Septembre et ses évènements /pour moi, ce ne sont que des versaillais voulant capter l'attention de leurs parents. Je pourrais partir 20 ans, à mon retour rien n'aurait changé.

Quoi qu'il advienne, je porte en moi d'être né sous le signe du V.


Klub des Loosers - Sous le signe du V
Vive la vie (Record makers, 2004)
www.myspace.com/klubdesloosers

Klub des 7 (feat. Fuzati, Detect, Fredy K, Le Jouage, James Delleck)
Nouvel album en avril 2009
www.myspace.com/leklubdes7

lundi 16 février 2009

Previously on Lost

Soyons légers, et parlons recap-rock, avec Previously on Lost.
"Previously on Lost", c'est la locution qui ouvre chacun des épisodes de la célèbre série... C'est aussi le nom de ce groupe de Brooklyn, qui, dans un album paru l'an passé, se charge de résumer les faits marquants de la Saison IV. Toutes les chansons ont été écrites dans les 24 heures suivant la diffusion des épisodes.

En vidéo, et en paroles, voici We're Goin' Home! (S04E01). Ca n'a bien sûr pas le moindre intérêt pour qui ne connait pas la série.
[Edit : attention spoiler, mais pas trop, ça va]


Yeah yeah yeah, we're going home
Yeah yeah yeah, we're going home

Got a working walky talky and some friends on the shore
Making jokes and going to the dharma food store
Now the boat rowed in and Charlie's not aboard
But Yeah Yeah Yeah, we're going home

Well we wonder who the people on the boat gonna be
Ben's got a nasty shiner and he's tied to a tree
Lets follow all the blood so we can talk to NaomEEEEEE
Yeah Yeah Yeah, we're going home

Jack can't trust nobody but himself
And Hurley's quickly losing touch with his mental health
Locke's gotta toss another corpse upon the shelf
Still Yeah Yeah Yeah, we're going home

I'll be free when I'm free of all of my dinero
Free from smashing into lemons with my 70's camerooooOOOH
Cannonballs!
Cannonballs!
If you want to cannonball…
Then CANNONBALL!

We are the Oceanic Six

[Edit: voir la vidéo sur youtube]

Previously on Lost - We're Goin' Home
the Tale of Season 4 and the Oceanic Six (Kiss My Arzt, 2008)
www.myspace.com/previouslyonlostmusic

dimanche 15 février 2009

un désaccord

Qui aime la langue française, les jeux sur la forme et/ou le sens (et donc l'Oulipo), aimera les disques bien en général,
et Flóp en particulier.



Un désaccord
est une forme supérieure d'accord

La dissonance,
une forme d'harmonie,
une forme d'harmonie,
d'harmonie.

Ouvre ton ouïe,
vibre ton corps
à la symphonie
fortuite

de ce qui mal se supporte
et pourtant
se marie.



Flóp - Un désaccord
Flóp et tout le tremblement (Les disques bien, 2009)
www.myspace.com/levraiflop

Flóp et tout un tas d'autres artistes chantant en Français sont dans Top Tape Vol.11

lundi 9 février 2009

l'éloquence des passions

Il y a différentes choses, dans Anna Karénine. Une description de la noblesse russe, de Moscou à Petersbourg.
Dans ce contexte, le récit d'une passion, d'un adultère et de ses suites. Hors de ce contexte, la trajectoire de Lévine, qui nie la culture, l'art, loue la campagne, la simplicité et se met à rechercher, par nécessité, une (sinon la) foi.
Et puis bien sûr, plein de passages mémorables.


L'extrait suivant concerne Anna... Une jeune femme d'une beauté céleste, cultivée et fine d'esprit (que ce soit dans l'art de la conversation ou dans celui de comprendre autrui), à tel point qu'on ne l'imagine pas au début du roman, pouvoir manquer de clairvoyance, et se débattre avec des choses aussi pesantes que le doute, la jalousie ou le désespoir.
Tout ceci sera la résultat d'un long processus insidieux.
On en voit ici l'aboutissement, dans un passage agité, où le fil des pensées contradictoires est particulièrement bien rendu, entrecoupé qu'il est du commentaire machinal de ce qui croise son regard.


Doucement bercée par la calèche qu'entraînaient rapidement deux trotteurs gris, Anna jugea différemment sa situation en repassant au grand air et dans le fracas continuel des roues les événements des derniers jours. L'idée de la mort l'effraya moins, mais ne lui parut plus aussi inévitable. Et elle se reprocha vivement l'humiliation à laquelle elle s'était abaissée. "Pourquoi m'être accusée, avoir imploré son pardon? Ne puis-je donc vivre sans lui?" En laissant cette question sans réponse, elle se mit à lire machinalement les enseignes. "Bureau et magasins. Dentiste. Oui, je vais me confesser à Dolly ; elle n'aime pas Vronski, ce sera dur de tout lui dire, mais je le ferai ; elle m'aime, je suivrai son conseil ; je ne me laisserai pas traiter comme une enfant. Philippov ; kalatches. On dit qu'il en expédie la pâte à Petersbourg. L'eau de Moscou est meilleure, les reservoirs de Mytistchy." Et elle se souvint d'avoir autrefois passé dans cette localité en se rendant avec sa tante en pèlerinage à la Trinité-Saint-Serge. "On y allait en voiture dans ce temps-là ; était-ce vraiment moi avec des mains rouges? Que de choses qui me paraissaient des rêves irréalisables me semblent aujourd'hui misérables, et des siècles ne sauraient me ramener à l'innoncence d'alors! Qui m'eût dit l'abaissement dans lequel je tomberais? Mon billet l'aura fait triompher ; mais je rabattrai son orgueil... Mon Dieu, que cette peinture sent mauvais! pourquoi éprouve-t-on toujours le besoin de bâtir et de peindre?... Modes et parures."

Un passant la salua, c'était le marie d'Annouchka. "Nos parasites, comme dit Vronski. Pourquoi les nôtres?... Ah! si l'on pouvait arracher le passé avec ses racines! C'est impossible, hélas! mais tout au moins peut-on feindre de l'oublier..." Et se rappelant tout à coup son passé avec Alexis Alexandrovitch, elle constata qu'elle en avait aisément perdu le souvenir. "Dolly me donnera tort, puisque c'est le second que je quitte. Ai-je la prétention d'avoir raison!" Et elle sentit les larmes la gagner... "De quoi ces deux jeunes filles peuvent-elles bien parler en souriant? d'amour? elles n'en connaissent ni la tristesse ni l'ignominie... Le boulevard et des enfants. Trois petits garçons qui jouent aux chevaux... Serge, mon petit Serge, je vais tout perdre sans pour cela te regagner!... Oui, s'il ne revient pas, tout est bien perdu. Peut-être aura-t-il manqué le train et le retrouverai-je à la maison? Allons, voilà que je veux encore m'humilier... Non, je vais dire tout de suite à Dolly : je suis malheureuse, je souffre, je l'ai mérité, mais viens-moi en aide!... Oh! ces chevaux, cette calèche qui lui appartiennent, je me fais horreur de m'en servir! Bientôt je ne les reverrai plus!"

Tout en se torturant ainsi, elle arriva chez Dolly et monta l'escalier.

En réponse à ce passage, on pourrait citer l'un des
"Propos sur le Bonheur" du philosophe Alain,
toujours prêt à faire appel à la raison pour juguler ce qu'il appelle l'éloquence des passions.


L'éloquence des passions nous trompe presque toujours ; j'entends par là cette fantasmagorie triste ou gaie, brillante ou lugubre, que nous déroule l'imagination selon que notre corps est reposé ou fatigué, excité ou déprimé. [...]

Voilà le piège des passions. Un homme qui est bien en colère se joue à lui-même une tragédie bien frappante, vivement éclairée, où il se représente tous les torts de son ennemi, ses ruses, ses préparations, ses mépris, ses projets pour l'avenir ; tout est interprété selon la colère, et la colère en est augmentée; on dirait un peintre qui peindrait les Furies et qui se ferait peur à lui-même. Voilà par quel mécanisme une colère finit souvent en tempête, et pour de faibles causes, grossies seulement par l'orage du coeur et des muscles. Il est pourtant clair que le moyen de calmer toute cette agitation n'est pas du tout de penser en historien et de faire la revue des insultes, des griefs et des revendications ; car tout cela est faussement éclairé, comme dans un délire. Ici encore il faut, par réflexion, deviner l'éloquence des passions et refuser d'y croire. Au lieu de dire : "Ce faux ami m'a toujours méprisé", dire : "dans cette agitation je vois mal, je juge mal ; je ne suis qu'un acteur tragique qui déclame pour lui-même." Alors vous verrez le théâtre éteindre ses lumières faute de public; et les brillants décors ne seront plus que barbouillages. Sagesse réelle ; arme réelle contre la poésie de l'injustice.


Tolstoï, Anna Karénine (1877)
Alain, Propos sur le bonheur (1913)

mardi 3 février 2009

Strange Victory, Strange Defeat


Samedi dernier, Silver Jews était à McMinnville (Tennessee), dans un lieu atypique : les grottes de Cumberland.
Ils y donnaient un concert. Le dernier.



Sur le forum de Drag City, David Berman l'annonçait
en ces termes :
I guess I am moving over to another category. Screenwriting or Muckraking. I've got to move on. Can't be like all the careerists doncha know. I'm forty two and I know what to do. I'm a writer, see?

Cassie is taking it the hardest. She's a fan and a player but she sees how happy i am with the decision.

I always said we would stop before we got bad. If I continue to record I might accidentally write the answer song to Shiny Happy People.


Depuis que le groupe existe, les concerts de Silver Jews se sont toujours fait rare, David Berman étant rebuté par l'aspect auto-centré et mercantile de l'exercice. L'élan qui suivit la résurrection des Joos (après la TS de 2oo3) en aura sans doute modifié la perception (merci Cassie).
Après quelques "essais" concluants (voire enthousiasmants), parmi lesquels la première date de Silver Jews en France (festival Mo#Fo 2006), le groupe s'est mis à faire des tournées.
Il était d'ailleurs revenu à Paris, ce printemps.

Dans une interview donnée au blog Nashville Cream, trois jour avant cet ultime concert, David Berman déclarait :


Playing live has been rewarding. It has been lucrative. But it has been creepy. There is something wrong with the current practices of media consumption. There is something about participating in the music economy that makes me uneasy.

Mais le sentiment le plus "uneasy", la raison bien plus profonde sont ce qui suit. Car sur ce même forum, l'auteur poursuit dans un nouveau message :
Now that the Joos are over I can tell you my gravest secret. Worse than suicide, worse than crack addiction: My father.

You might be surprised to know he is famous, for terrible reasons. My father is a despicable man. My father is a sort of human molestor. An exploiter. A scoundrel. A world historical motherfucking son of a bitch. (sorry grandma)

Son père, c'est Richard Berman, un puissant lobbyiste, dénué de scrupule ; Au sens où ses manoeuvres sont motivées par des intérêts financiers, au mépris de toute considération sociale ou de santé publique. Son surnom est "Dr. Evil".
Et ses méfaits tels, qu'un site a récemment été mis en ligne par le CREW (Citizens for Responsibility and Ethics in Washington) afin de les mettre en lumière

www.bermanexposed.org

This winter I decided that the SJs were too small of a force to ever come close to undoing a millionth of all the harm he has caused. To you and everyone you know.
Literally, if you eat food or have a job, he is reaching you.

I've always hid this terrible shame from you, the fan. The SJs have always stood autonomous and clear. Hopefully it won't contaminate your feelings about the work.

My life has been riddled with Ibsenism. In a way I am the son of a demon come to make good the damage. Previously I thought, through songs and poems and drawings I could find and build a refuge away from his world.

But there is the matter of Justice. And i'll tell you it's not just a metaphor. The desire for it actually burns.

It hurts.

There needs to be something more. I'll see what that might be.

DCB

Silver Jews - Random Rules
American Water (Drag City, 1998)

"Silver Jews End-Lead Singer Bids his Well-Wishers Adieu"
et "My Father, My Attack Dog",
deux messages à lire en ligne sur le forum de Drag City

Crédits photos : Collin Peterson

dimanche 1 février 2009

Immolate Yourself


Top Tape Vol.10
(feat. Asobi Seksu, Lush, the Whitest Boy Alive,
Franz Ferdinand...)

Je profite de ce qu'il est question d'Asobi Seksu pour compiler quelques uns de leurs (chouettes) visuels






Asobi Seksu - Citrus (Friendly Fire, 2006)
- Stay Awake (GTC, 2007)
- s/t (Friendly Fire, 2004)
- Me & Mary (Polyvinyl, 2008)
- Strawberries (One Little Indian, 2007)