mardi 28 octobre 2008

Un Dimanche

Dimanche, 14h, pas de promenade digestive, de fin de comatage, de café en terrasse à Aligre, de footing au Bois de Vincennes, de ménage ou de lessive, mais une session avec les Wave Pictures à la radio. Lisa Li-Lund les accompagnait (aah, Lisa...), c'était la bonne surprise! Bref, très chouette moment. Allez, j'en mets un bout ici (car bien entendu, il sera restitué à l'antenne prochainement)



Si les Wave Pictures étaient à Paris, c'est qu'ils y avait été invités par Coming soon dans le cadre de leurs concerts 'Late Season Gathering' au Café de la Danse. Et bien là encore, excellent concert lundi soir, à tel point que ca m'a rappelé certains souvenirs de ce fameux et inoubliable Mo#Fo 2003... D'ailleurs, plutôt que de raconter cette soirée, je vais citer ce que j'avais écrit par mail, alors. Et puis c'est toujours marrant de se confronter à des mots vieux de quelques années.

the WAVE PICTURES
Wahoo, le concert idéal pour finir, c'était génial, ces petits jeunes (18ans) - d'où viennent-ils? Angleterre? - sont impressionnants, beaucoup de gens nous en avaient parlé. Leur musique? je dirais: les Violent Femmes qui reprendraient avec énergie les chansons énergiques des Go-betweens (et quand on parle de Violent Femmes, fatalement, on arrive à certains sons semblables à du Hefner 1ère période). Que des morceaux super péchus pour faire sautiller le public, et tout le monde d'ailleurs, il y a eu cette chanson, l'un des meilleurs moment du festival, où tout le monde s'est ramené, DIHD, AHD, Jack Lewis qui était à fond, Rachel et même Jeffrey (qui n'avait pourtant pas trop la pêche ce soir là) s'est mis à courir partout avec son tambourin, non vraiment, c'était ça la finalité de ce festival, ça que je voulais voir, tout le monde sur la même scène, le public aussi est monté... John Darnielle, avant de partir et en revenant de l'arrière scène, s'est arrêté le temps d'une chanson pour chanter avec eux, sac au dos et housse de guitare a la main...
Alors vraiment si vous voulez enflammer une soirée (à l'Entrepôt par exemple), pensez WAVE PICTURES !


Note : "péchu" était une expression qui avait court à l'époque
Note 2 : Ce récit s'adressait en partie à des Grenoblois, d'où la dernière phrase
Note 3 : On me souffle que les Wave Pictures seront à l'affiche du Mo#Fo 2009?!?

samedi 18 octobre 2008

sur le chemin de rien du tout

Allez, tiens, comme j'avais fait avec La Plaisanterie de Kundera, je reprends Voyage au bout de la nuit, et recopie ici quelques passages, extraits des pages de mon exemplaires marquées d'une corne. Le titre de cet article est une expression commune à Céline et à Mendelson (cf. Le monde disparaît). Je m'en suis rendu compte par hasard, mais pour autant, il m'a toujours semblé évident que le second devait avoir lu le premier.

Ce qu'on entend souvent à propos de Céline, c'est qu'il a marqué un tournant dans la littérature, au point qu'il n'est plus possible d'écrire "après" comme on écrivait "avant"... il faut avoir lu le livre pour concevoir cela. Notamment le dénouement et les dernières phrases prononcées par Robinson. Mais, pas de spoiler, ici, c'est la règle.
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La vie, c'est une classe dont l'ennui est le pion, il est là tout le temps à vous épier d'ailleurs, il faut avoir l'air d'être occupé, coûte que coûte, à quelque chose de passionnant, autrement il arrive et il vous bouffe le cerveau. Un jour qui n'est rien qu'une simple journée de 24 heures c'est pas tolérable. Ca ne doit être qu'un long plaisir presque insupportable une journée, un long coït une journée, de gré ou de force.

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il me semblait que je commençais alors à tricher avec mon fameux destin, avec ma raison d'être comme je l'appelais [Molly, ndlr], et je cessai dès lors brusquement de lui raconter tout ce que je pensais. Je retournai tout seul en moi-même, bien content d'être encore plus malheureux qu'autrefois parce que j'avais rapporté dans ma solitude une nouvelle façon de détresse, quelque chose qui ressemblait à du vrai sentiment. [...]

C'est peut-être ça qu'on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir.

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"Je vais me tuer!" qu'il me prévenait quand sa peine lui semblait trop grande. Et puis il parvenait tout de même à la porter sa peine un peu plus loin comme un poids trop lourd pour lui, infiniment inutile, peine sur une route où il ne trouvait personne à qui en parler, tellement qu'elle était énorme et multiple. Il n'aurait pas su l'expliquer, c'était une peine qui dépassait son instruction.
Lâche qu'il était, je le savais, et lui aussi, de nature espérant toujours qu'on allait le sauver de la vérité, mais je commençais cependant, d'autre part, à me demander s'il existait quelque part, des gens vraiment lâches... On dirait qu'on peut toujours trouver pour n'importe quel homme une sorte de choses pour laquelle il est prêt à mourir et tout de suite et bien content encore. Seulement son occasion ne se présente pas toujours de mourir joliment, l'occasion qui lui plairait. Alors il s'en va mourir comme il peut, quelque part... Il reste là l'homme sur la terre avec l'air d'un couillon en plus et d'un lâche pour tout le monde, pas convaincu seulement, voilà tout. C'est seulement en apparence la lâcheté.

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Les choses auxquelles on tenait le plus, vous vous décidez un beau jour à en parler de moins en moins, avec effort quand il faut s'y mettre. On en a bien marre de s'écouter toujours causer... On abrège... On renonce... Ca dure depuis trente ans qu'on cause... On ne tient plus à avoir raison. L'envie vous lâche de garder même la petite place qu'on s'était réservée parmi les plaisirs... On se dégoûte... Il suffit désormais de bouffer un peu, de se faire un peu de chaleur et de dormir le plus qu'on peut sur le chemin de rien du tout. Il faudrait pour reprendre de l'intérêt trouver de nouvelles grimaces à exécuter devant les autres... Mais on n'a plus la force de changer son répertoire. On bredouille. On se cherche bien des trucs et des excuses pour rester là avec eux les copains, mais la mort est là elle aussi, puante, à côté de vous, tout le temps à présent et moins mystérieuse qu'une belote. Vous demeurent seulement précieux les menus chagrins, celui de ne pas avoir trouvé le temps pendant qu'il vivait encore d'aller voir le vieil oncle à Bois-Colombes, dont la petite chanson s'est éteinte à jamais un soir de février. C'est tout ce qu'on a conservé de la vie. Ce petit regret bien atroce, le reste on l'a plus ou moins bien vomi au cours de la route, avec bien des efforts et de la peine. On n'est plus qu'un vieux réverbère à souvenirs au coin d'une rue où il ne passe déjà presque plus personne.


Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit (1932)

mardi 14 octobre 2008

A sense of belonging

Once there was confidence but now there is fear
Once there was laughter but now only tears
Once there were reasons for our optimism
But now we're all drowning in a sea of cynicism

But I hope and I pray in my own naive way
That one day we can reach some sort of understanding
Try a little more sharing
Try a little more giving
Might find a sense of belonging
Might find a sense of belonging

And I know you think I'm young and naive
Because I go on CND marches, well that's my decision
I think that you're the one who's naive
If you believe all the things you see on television
It's all propaganda and like a fool you accept it
And like a fool you ignore it
Why don't you try and stop it
To try and find a sense of belonging

I know you watch "World In Action" and "Panorama"
And to you it's just another soap opera drama, it can't happen here
Have a nice cup of tea and we'll all stay calm
And we'll come to no harm in our nice warm underground shelters
There'll be helter skelter
There'll be babies dying, you'll hear their mothers crying
I've seen the devil smiling, I've seen the devil smiling
Try to find a sense of belonging
A sense of belonging

And you laugh and make jokes about what you will do
When the button is pressed and we hear the four minute warning
And if you think it's funny now wait 'till the bomb goes off
You'll all be in fucking hysterics
You'll see babies dying, you'll hear mothers crying
I'm only asking for one thing
Just want a sense of belonging

No more weapons and no more wars
No more violence
What's it all for anyway?


the Television Personalities - Sense of Belonging
the Painted World (Fire records, 1990)
www.myspace.com/tvpersonalities


samedi 11 octobre 2008

Beautiful sound

Concert très chaleureux et tout à fait réjouissant de Bodies of Water, hier à la Maroquinerie (remplie au tiers). Le public était enthousiaste (pour une fois, l'annonce du dernier morceau du concert a provoqué une clameur, et non pas un "oooooooh" poli), et la chanteuse visiblement émue d'être à Paris, à tel point que des frissons incontrôlés la parcourait à chaque évocation de la ville (les mêmes que ceux ressentis lorsqu'elle postait les albums du groupe commandés en ligne à destination de la France). Comme sur album, la réussite de la soirée tient à l'implication totale et partagée des membres du groupe, placés tous les quatre sur la même ligne. L'impression visuelle était belle.


[Crédit Photo : Robert gil]


I heard it sound from the valleys low
I heard it from mountaintops covered in snow
I heard it rise from the oceans deep
I heard it echo off canyon walls steep

What'd you hear?
A beautiful sound
How'd it sound?
It sounded like this

(Beautiful sound)

As it echoed in my ears
My face glistened damp with the sheen of my tears
As I drew near to your side
I knew it was useless to flee or to hide

There is a sound ringing out day and night
It fills up each shadow on earth with its light
I felt the sound fill my innards and limbs
I felt it watching me think from within

What'd it see?
Desire split in thirds
How'd it feel?
The strain was immense

These are the times that test all our bonds
Our mutual will is all twisted and stretched
But still the sound, the notes and the chords
Reside in our chests where they've been deeply etched

My soul and spirit are apart
My bones and my marrow, divided as well
And what the eye that sees me sees
Are pieces of body and fractions of self

What'd you hear?
How'd it sound?

Bodies of Water - I heard it sound
Ears will Pop & Eyes will blink (autoproduit, 2007)
www.bodiesofwater.net

jeudi 2 octobre 2008

l'attrape-coeurs

J'étais vachement en avance au rendez-vous, aussi je me suis assis sur une de ces banquettes de cuir près de l'horloge dans le hall, et j'ai regardé les filles. Pour beaucoup de collèges les vacances avaient déjà commencé. Il y avait bien un million de filles, assises ou debout, ici et là, qui attendaient que leur copain se pointe. Filles croisant les jambes, filles croisant pas les jambes, filles avec des jambes du tonnerre, filles avec des jambes mochetingues, filles qui donnaient l'impression d'être extra, filles qui donnaient l'impression que si on les fréquentait ce seraient de vraies salopes. C'était comme un chouette lèche-vitrine, si vous voyez ce que je veux dire. En un sens c'était aussi un peu triste, parce qu'on ne pouvait s'empêcher de se demander ce qui leur arriverait, à toutes ces filles. Lorsqu'elles sortiraient du collège, je veux dire. On pouvait être sûr que la plupart se marieraient avec des mecs complètement abrutis. Des mecs qu'arrêtent pas de raconter combien leur foutue voiture fait de miles au gallon. Des mecs qui se vexent comme des mômes si on leur en met plein les narines au golf, ou même à un jeu stupide comme le ping-pong. Des mecs terriblement radins. Des mecs qui ne lisent jamais un bouquin. Des mecs super casse-pieds. Je comprends pas les mecs casse-pieds. Non, vraiment pas. Quand j'étais à Ekton Hills, j'ai partagé une piaule pendant deux mois avec un gars qui s'appelait Harris Macklin. Il était très intelligent et tout, mais c'était un des pires casse-pieds que j'aie jamais rencontrés. Il avait une de ces voix râpeuses, et pratiquement il arrêtait jamais de parler. Et le plus terrible, c'est qu'il disait jamais rien qu'on aurait eu envie d'entendre. Mais il y avait une chose qu'il pouvait faire. Il pouvait siffler mieux que n'importe qui, le salaud. Il était, disons, en train de retaper son lit, ou de ranger des trucs dans la penderie - il avait toujours des trucs à pendre, ca me rendait dingue - et alors il sifflait, du moins quand il parlait pas de sa drôle de voix râpeuse. Il pouvait même siffler du classique, mais la plupart du temps il sifflait du jazz. Il prenait quelquechose de très jazz, comme Tom Roof Blues et il le sifflait si bien, si tranquillement, tout en accrochant ses affaires, que franchement, ça vous tuait. Naturellement, je lui ai jamais dit que je trouvais qu'il sifflait vraiment au poil. On va pas déclarer comme ça a quelqu'un "Tu siffles vraiment au poil". Mais je suis resté avec lui pendant à peu près deux mois, quand même il était casse-pieds, juste parce qu'il sifflait vraiment au poil. Mieux que n'importe qui que j'aie jamais entendu. Donc, les casse-pieds, je peux pas en parler. Peut-être qu'on devrait pas tellement se tracasser si on voit une fille sensas' qu'en épouse un. La plupart font de mal à personne. Et peut-être que secrètement ils sifflent tous vraiment au poil ou quoi. Qui sait? Pas moi.

Finalement, voilà que la môme Sally montait les marches, et je les ai descendues pour aller à sa rencontre. elle était vachement chouette. Sans blague. Elle avait un manteau noir et une sorte de béret noir. Elle portait presque jamais de coiffure mais ce béret, c'était vraiment joli. Le plus drôle c'est que dès l'instant où je l'ai vue j'ai eu envie de me marier avec elle. Je suis dingue. Je la trouvais même pas tellement sympa et tout d'un coup je me sentais amoureux et je voulais qu'on se marie. Je vous jure, je suis dingue, faut le reconnaître.


J.D. Salinger - L'attrape coeurs, 1986
Lu par Thomas Fersen dans Fantaisie Littéraire (éditions le bec en l'air, 2008), ouvrage regroupant des collaborations entre écrivains et chanteurs, nées à l'occasion du festival Les correspondances de Manosque